mercredi 30 janvier 2008

Pourquoi le masque du Masque de Fer était-il en fer ?

Docteur-Philo, quand il ne sait pas, il va se renseigner. Il est allé à Vaux-le-Vicomte, dans le sous sol du château, là où l’on peut rencontrer le Masque de Fer.

Il l’a photographié pour vous :

- Oui, mes chers amis, j’ai rencontré le Masque de Fer ; je l’ai même photographié.

Je l’ai bien sûr questionné : il ne m’a pas répondu. Je crois qu’il avait peur ; mais j’ai réussi à savoir qui il était : il s’agit du surintendant Fouquet. Du moins c’est ce que son geôlier m’a dit, parce que vous pensez bien qu’on ne m’a pas permis de voir son visage.

Alors vous voulez savoir pourquoi son masque était en fer ? Pourquoi ne pas s’être contenté d’un loup de velours ? Ou de carton pâte ?

Réfléchissons un peu à l’aide d’une comparaison. La ceinture de chasteté, vous connaissez ? Mais non, le Masque de Fer n’en portait pas (du moins je n’en ai pas vu). Une ceinture de chasteté, c’est en fer, parce qu’il faut une serrure et une clef. Pas de ceinture de chasteté sans clef, tout le monde sait ça.

Hé bien, le masque du Masque de Fer, c’est pareil. Examinez le cliché : impossible d’enlever ce masque sans l’ouvrir par derrière. Il y a donc un système de fermeture avec une serrure ; et tout ça est en fer pour que personne - et surtout pas le prisonnier - ne puisse enlever ce masque sans avoir la clef.

Bon, il n’y a pas grand chose à ajouter…

Si peut-être : une question peut en cacher une autre.

Pourquoi est-ce le visage qui permet l’identification des individus ? Le Masque de Fer, on pouvait voir son corps ; mais ça ne servait à rien pour l’identifier tant qu’il portait son masque.

Et aujourd’hui, qu’est-ce qu’on floute sur une photo pour l’anonymer ? Le visage.

Mais parfois simplement les yeux.

Pourquoi simplement les yeux ? (Petit rappel : le loup de carnaval cache effectivement et uniquement le haut du visage)

Pour plus de détail, voir ceci.

lundi 28 janvier 2008

Les femmes peuvent être les égales des hommes ?

Depuis plusieurs années, on souhaite que les femmes deviennent enfin l'égal des hommes.
Mais pourquoi un sexe ne devrait pas être supérieur à l'autre?
Pas forcement dans le sens historique d'ailleurs, ça pourrait très bien être les femmes qui dominent les hommes...

La boite à questions.

Docteur-Philo n’est pas du genre à ressasser les vieux débats sur la supériorité des femmes, ou des hommes, ou sur la malédiction biblique, etc…
Pour lui, la question n’est pas tellement de savoir qui domine qui, mais plutôt qu’est-ce
qu’il faut
pour pouvoir parler de domination, ou d’égalité

- Je m’en tiendrai ici au philosophe le plus misogyne, le plus partial à l’égard des femmes, je veux dire Rousseau, car c’est en même temps le spécialiste de l’inégalité. Voici donc ce qu’il écrit au début de son Discours sur l’inégalité : « il est aisé de voir qu'entre les différences qui distinguent les hommes, plusieurs passent pour naturelles qui sont uniquement l'ouvrage de l'habitude et des divers genres de vie que les hommes adoptent dans la société. » Autrement dit, l’inégalité - et donc aussi l’infériorité - n’est pas une propriété des êtres, mais une situation qui voit l’affrontement de deux êtres dans un contexte donné.

Je n’irai pas par 4 chemins : ne parlons pas de la mécanisation technique qui permet à de faibles femmes de piloter des avions de ligne… ou même simplement des bus de 20 mètres de long. Je dirai : admettons qu’il y ait des différences physiologiques et psychologiques entre les hommes et les femmes, que leurs hormones et les notre soient source de comportement différents.

Rousseau avait raison de dire que les besoins et les habitudes crées par la société étaient déterminants pour créer des inégalités. Non seulement les inégalités requièrent des point de repères susceptibles de changer avec le temps, mais encore ce qui est infériorité à tel moment peut devenir supériorité à tel autre.
Nous n'avons donc aucune raison de croire que ces supériorités - ou ces infériorités - seront pérennes dans le monde tel qu’il sera bientôt.

Maintenant, quid de l’égalité ?

On le voit :

  • ou bien l’égalité est un moment rare où les tendances à la domination qui s'affrontent de part et d'autre, s’équilibrent.
  • ou bien l’égalité est décrétée par le droit.

Donc, dans le premier cas, on n’a pas à «souhaiter que les femmes deviennent enfin l'égal des hommes » ; il suffit d’attendre que ça arrive.

Et dans le second, c’est déjà arrivé.

samedi 26 janvier 2008

Pourquoi vivons nous en couple ?

Pourquoi vivons nous en couple (en tout cas dans nos société occidentale) et pas comme certains animaux qui changent à chaque printemps (ou plus souvent même) ?

La boite à questions

Ça veut dire quoi un couple ? Une seul femme à la fois pour un seul homme (et réciproquement) ?

Pas seulement : il faut encore y ajouter, dans nos sociétés occidentales, l’attestation de l’union par mariage, Pacs, ou autre. Parce que, l’origine du couple, ce n’est rien d’autre que son institution ; c’est elle qui est déterminante dans le système : il s’agit de savoir qui est le père de l’enfant qui vient au monde. Si nous vivons en couple, c’est parce que les enfants n’appartiennent pas à la communauté, mais à leurs géniteurs. Le couple n’est autre que le moyen de le savoir : n’oubliez pas que lors du débat sur les tests ADN, on leur a objecté que les société occidentales - en tout cas la nôtre - font du mariage la première preuve de filiation. Vous êtes blanc, votre femme aussi ; elle met au monde un enfant black : qu’importe, vous êtes ipso facto le père.

Bon, vous êtes content ? Docteur-Philo vous a répondu ?

Non ? Hé bien vous avez raison, parce qu’il y avait bien des choses à dire encore.

- La Bible : nous vivons en couple parce que Dieu l'a voulu. C’est Lui qui a créé le couple. Eve a été créée pour être une aide à Adam. N’entendez pas qu’il ne se satisfaisait pas des chèvres (ça, c’est une vilaine pensée) ; ni qu’il était trop feignant pour travailler, vu que le travail n’existait pas encore. Entendez… ce que vous voudrez, moi je n’en sais rien.

- La paléontologie définit le couple par sa fonction : nous vivons en couple parce que c'est plus facile de survivre ainsi. C’était initialement une organisation économique : l’homme chasse, la femme pratique la cueillette aux environs du foyer. Et elle s’occupe des enfants - dans certains cas conjointement avec l’homme.

- Rousseau (1) affirme que le couple est l’œuvre de l’amour : nous vivons en couple parce que nous aimons notre Dulcinée. Mais l’amour n'existait pas avant l’apparition de la société. Dans la forêt primitive, l’espèce humaine vivait en diaspora. L’homme s’accouplait avec la femme au hasard des rencontres - même une moche faisait l’affaire, tout le monde avait sa chance. A peine sa petite affaire accomplie chacun se séparait. La femme élevait seule l’enfant qui d’ailleurs partait de son côté dès qu’il était en âge de se suffire à lui-même (c’est à dire vers 6 ou 7 ans).

- Freud (2) quant à lui suppose qu’à l’origine n’existaient que des hordes humaines. Un mâle vigoureux assurait à lui seul l’ensemble des prestations sexuelles ; faut dire que c’était le plus vigoureux des mâles. Comme dans certaines sociétés de singes, les jeunes mâles étaient rejetés à la périphérie de la tribu, attendant pour se satisfaire que le chef de la horde soit trop vieux pour leur résister ; alors l’un des jeunes prenait sa place et virait tous les autres.

Un jour les jeunes mâles décidèrent de mettre fin à ce système. Après avoir tué le vieux chef (qui était leur père bien entendu) et l’avoir mangé (origine du repas totémique), ils ont passé un pacte : interdiction d’avoir plus d’une femme par homme - et accessoirement, interdiction de l’inceste, bien sûr.

Le couple (n’)existe donc (que) pour éviter que les autres ne viennent nous piquer notre femme (ou notre homme). Là, on est tous d'accord, n'est-ce pas ?


(1) Rousseau - Du contrat social - 2ème partie

(2) Freud - Totem et tabou

vendredi 25 janvier 2008

Que faisait Dieu avant la création ?

Que le petit curieux qui pose cette question frémisse.

Car la première réponse qui vient à l’esprit est : « Dieu préparait des supplices aux sondeurs de mystères ». Parce que, rappelez-vous, Docteur-Philo vous avait bien prévenu : il ne faut pas avoir de telles curiosités. Si Dieu avait voulu qu’on le sache, Il nous l’aurait révélé.

Saint Augustin avait entendu cette question mais il rejette cette ce refus de répondre : voici ce qu’il nous en dit (cf. Confessions, livre XI, chapitre 12-13)

Résumons le raisonnement de Saint Augustin (il s’adresse à Dieu) :

1. s’il faut entendre toute créature par ces noms du ciel et de la terre, je le déclare hautement: avant de créer le ciel et la terre, Dieu ne faisait rien

2. Car ce temps même était votre ouvrage, et nul temps n’a pu courir avant que vous eussiez fait le temps. Que si avant le ciel et la terre il n’était point de temps, pourquoi demander ce que vous faisiez ALORS? Car, où le TEMPS n’était pas, ALORS ne pouvait être.

3. Vous avez fait tous les temps, et vous êtes avant tous les temps, et il ne fut pas de temps où le temps n’était pas.

Car le temps suppose qu’il y ait des choses qui passent - temporelles. Sans la création, rien n’existe qui soit temporel. Donc pas de temps. Donc pas d’avant. Donc pas d’action.

Avouez qu’il y a de quoi perdre son latin ! D’un côté, Dieu est éternel, et rien ne peut commencer pour lui. De l’autre, il décide un beau jour de faire le ciel, la terre, de séparer lumière et ténèbres, etc. Comment sa décision ne serait elle pas temporelle ? Comme Dieu éternel ne devient-il pas Dieu temporel par cet acte ?

Toutefois, dans l’éternité, tout est co-présent, même ce qui adviendra dans le temps. Imaginez que votre jeunesse, votre âge mûr, votre vieillesse soient ainsi contractés dans le même instant au point que vous puissiez passer de l’un à l’autre et changer d’état sans changer d’être. Ce qui est engendré par Dieu est co-éternel à l’éternité divine (« Ainsi vous avez engendré coéternel à vous-même Celui à qui vous avez dit: « Je t’ai engendré aujourd’hui (Ps. II,7 ; Héb. V, 7). »)

Hé bien, le moment de la création est de même présent dans la totalité de l’éternité divine.

-"il ne fut pas de temps où le temps n’était pas."

--- Je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris…

Voyez cet exemple : vous rentrez de chez Ikea avec tout un mobilier en Kit. Les cartons sont là, dans votre garage, vous n’avez plus qu’à monter les meubles. Supposez maintenant qu’il y ait en plus, dans un coin, un sac avec marqué dessus : « Travail de montage ». C’est un sac bien étanche, et on devine que c’est de l’énergie pure qui est là-dedans - pas une notice de montage.

Vous n’avez plus qu’à imaginer les meubles déjà montés, qui sont comme en surimpression sur les cartons Ikea, voire même déjà installés dans l’appartement, un peu transparents il est vrai, mais parfaitement visibles.

Hé bien vous êtes comme Dieu avant la création : l’origine de vos meubles est là, elle aurait même pu être là depuis toujours, qui sait : depuis avant même votre naissance. Tout se passe comme si chaque étape de votre travail d’ameublement était déjà là, depuis votre origine, et que toutes ces étapes coexistent sans se succéder (par exemple, les meubles montés et les cartons qui en contiennent les pièces détachées coexistent). Vous voilà dans l’éternité, où chaque instant dure autant que l’éternité, ne passe donc pas, et coexiste donc avec tous les autres.

Encore un détail pour dire qu’on a compris : la succession temporelle elle-même fait partie de ces éléments existant de toute éternité, et cela alors même qu'il n'y a rien qui s'y succède encore.

Alors, vous voilà satisfait ? Pas tout à fait à ce que je vois.

- Dites donc, Docteur-Philo, la création, pour Dieu : est-ce que ça change quelque chose ?

- Non, ne dites surtout pas ça malheureux : on en a brûlé pour moins que ça !

- Oui, mais alors, moi, quand j’ai monté mon fauteuil Ikea, je peux me carrer les fesses dedans et boire mon whisky : ça change bien quelque chose.

- Dieu le peut aussi, mais il le peut de toute éternité, avant même d’avoir monté le fauteuil, alors que vous, qui n’êtes pas Dieu, vous ne le pouvez que depuis qu’Ikea existe.

Merci Ikea.

jeudi 24 janvier 2008

C'est quoi la philosophie ?

Bonsoir Docteur, puisque je me la posais mais je ne trouvais pas vraiment de réponse satisfaisante: c'est quoi la philosophie ?

La Boite à questions

Incontournable question… Mais question superchiante. Parce que la réponse est déjà philosophique, et qu’on suppose qu’on le sait déjà quand on peut comprendre la réponse. Vous me suivez encore ? Non ? Je m’en doutais un peu…

Alors, imaginez le désarroi du le prof de philo qui se retrouve, le jour de la rentée avec une charretée de lycéens devant lui. Ils le regardent avec curiosité, méfiance, intérêt, (rayez la mention inutile) ; mais tous attendent de lui qu’il leur dise pourquoi ils vont bosser toute l’année, qu’il pose et résolve la question : C'est quoi la philosophie ?

Bien entendu il ne s’agit pas toujours d’une question innocente : puisque le philosophe lui même ne peut pas répondre clairement et intelligiblement à la question, c’est que sa science ne vaut rien et donc que ce n’est vraiment pas la peine de se fatiguer à l’apprendre.

Sachez donc que les plus grands ont déjà répondu à cette question : voyez l’ouvrage de Gilles Deleuze et Félix Guattari Qu’est-ce que la philosophie ? Reportez-vous à cet ouvrage, ou bien lisez cet article en ligne, à moins qu’il ne soit déjà trop…philosophique.

--- Vous avez interpellé Docteur-Philo : il va donc vous répondre, mais il va parler sous le contrôle de ses confrères qui liront ce Post : s’ils ne sont pas d’accord qu’ils le disent (ne tapez pas trop fort sur les doigts S.V.P.).

En réalité le terme de philosophie ne comporte pas un sens univoque : il y a homonymie comme dit Aristote.

- La philosophie, c’est l’ensemble des textes contenus dans les bibliothèques sous la rubrique « Philosophie ». Ce n’est pas du tout une plaisanterie. La philosophie ainsi entendue c’est une pan de la « littérature », avec ses œuvres et surtout ses systèmes. Le philosophe est alors professeur - de fac si possible - spécialiste de tel ou tel système philosophique. On dit alors de lui que c’est une « historien de la philosophie ». Bref, la philosophie est une art de forger des concepts (Deleuze), et de construire des systèmes avec.

- On dit aussi que la philosophie, selon son étymologie, est « amour de la sagesse ». Peut-être même que c’est la première chose que dit le prof de philo à ses élèves en commençant son premier cours. Sauf que ça ne parle à personne, parce qu’il faudrait dire ce que c’est que l’amour et ce que c’est que la sagesse. Autrement dit on est renvoyé à un système de définitions, donc à la construction systématique déjà évoquée plus haut.

- Reste à dire alors que la philosophie, c’est une exigence intellectuelle, apparue avec Socrate que les philosophes reconnaissent généralement comme le père de leur discipline.

Son contenu est moins doctrinal que dynamique : il s’agit d’une question qui occupe l’esprit, d’une exigence fiévreuse de trouver le sens des actions et des pensées humaines. Platon décrit Socrate interpellant les jeunes gens qui traversent l’Acropole : « Dis-moi, mon bon, qu’est-ce que c’est que le courage ? (ou la justice ou la beauté…) »

… Toutefois, ne commettez pas l’erreur de croire que la philosophie est simplement l’art de poser des questions ; vu de loin tout Heidegger tient dans une enfilade de points d’interrogations, et on imagine le philosophe se gargarisant avec ses problèmes, sans se soucier de chercher les solutions. C’est absolument faux.

Simplement, pour trouver la solution, chacun doit être philosophe, parce que la solution suppose ici une décision, un choix. Il faut se mouiller pour choisir la réponse, on n’est pas dans le domaine des sciences où la réponse est infaillible. Parce qu’avec la philosophie on n’est pas dans le domaine de la vérité, mais dans celui du sens.

Application :

- Docteur, est-ce que j’ai un cancer du sein (ou de la prostate) ?

- Oui

- Docteur, qu’est-ce que ça va changer à ma vie ?

- Là, il faut demander à Docteur-Philo

mercredi 23 janvier 2008

Faut-il juger les fous ?

Merci de ne pas avoir demandé s’il l’on pouvait les juger, parce que ça on le peut si bien qu’une grande proportion des détenus sont des aliénés. Les prisons sont le plus grand asile psychiatrique de France.

On le peut. Mais le doit-on ?

Notre chef d’Etat, dans un discours a dit qu’il était normal que les aliénés mentaux soient traduits devant le tribunal. Ce qu’ils ont fait est bien criminel et on doit à leurs victimes cette réparation que constitue un procès. On retrouve ici cette conception de la justice compassionnelle, qui fait de la souffrance des victimes l’origine et la mesure de la peine à infliger au coupable. Admettez qu’il y a d’autres façons de concevoir la justice. Parce qu’à ce compte-là, on doit donner raison aux Tribunaux d’autrefois qui jugeaient et condamnaient les animaux qui avaient causé des dégâts dans les habitations ou les champs.

Trêve de plaisanterie. L’opinion publique veut du coupable en face de chaque délit, et elle récuse le diagnostique de folie délivré par les experts psychiatres. Dire qu’on doit juger le criminel, même diagnostiqué fou, parce que la folie n’existe pas, c’est une façon de reconnaître que la folie, au même titre que la mort, serait une cause d’extinction de l’action judiciaire. S’il faut un coupable, alors il faut que la folie n’existe pas.

Je ne trouve pas ça très sérieux. Soyons plus rigoureux : si le criminel est bien un fou, faut-il le juger quand même ? C’est bien ce que disait notre Chef d’Etat : il doit y avoir procès, parce que, si ce criminel est guéri plus tard, alors il faut que la victime puisse être indemnisée.

Donc, si l’action de la justice est éteinte au pénal, elle ne doit pas l’être au civil.

O.K. J’ai compris ça. Mais on détourne le problème : parce que dans tous les cas, tout de même, s’il y a condamnation au civil, c’est qu’il y a responsabilité. Qu’on se souvienne du procès d’O.J. Simpson, acquitté au pénal et condamné au civil pour l’assassinat de sa femme. Personne n’y a rien compris.

J’ai traité ailleurs de l’imputation juridique de responsabilité. Je bornerai à dire que la responsabilité suppose la capacité à choisir entre faire et ne pas faire. Les tribunaux américains qui malgré leur juridisme peuvent être aussi des modèles de rigueur, demandent aux jurés de dire si l’accusé avait, au moment des faits, la capacité de faire la distinction entre le bien et le mal (ce qui au passage aurait dispensé de faire des procès aux truies ou aux chèvres). Ce qui signifie, non pas qu’il a choisi de mal faire, mais qu’il pouvait - et donc qu’il devait - savoir qu’il faisait le mal. Ce qui nous rend responsables de nos actes, c’est que nous devons pourvoir les assumer.

Le fou qui tue dans son délire un passant parce qu’une voix lui a dit l’oreille que c’était l’antéchrist, en admettant ce que délire soit réel, est irresponsable, et on ne voit pas bien sur quelle base il devrait indemniser ses victimes une fois guéri.

Mais j’admets que le débat reste ouvert.

lundi 21 janvier 2008

Peut-on vivre sans amour ?

Mister G. a dit...
Une petite question comme ça : Peut-on vivre sans amour ?

La Boite à questions

Cher Mister G.,

je constate que malgré votre nom vous n’êtes pas tout à fait au point en amour (1). Rassurez-vous je vais vous répondre, mais il faut auparavant éclaircir un peu la question.

* D’abord que veut-on dire en posant la question : « Peut-on vivre… » ?

- S’agit-il de « Peut-on bien vivre quoique sans amour » ?, ou « Vivrait-on mieux sans amour »

- S’agit-il plutôt de « Peut-on survivre si l’on vit sans amour » ?

* Ensuite : amour, qu’est-ce ça veut dire ?

- S’agit il de l’amour éros : « Peut-on vivre sans faire l’amour - jamais ?»

- S’agit-il de l’amour agapè, le pur amour, celui qu’on appelle aussi l’amour de bienveillance - celui qu’on donne sans se soucier de le recevoir : « Peut-on vivre sans éprouver de l’amour ?»

* Enfin, quel est l’objet de cet amour ?

- S’agit-il de l’amour éprouvé pour un autre : « Pourrais-je vivre sans avoir quelqu’un à aimer ? »

- S’agit-il de l’amour reçu,

  • soit l’amour narcissique : « Pourrais-je vivre sans être admiré ? »
  • soit l’amour qui permet d’échapper à la solitude en se réunissant à l’autre : « Moi j'ai tant besoin d'amour / Moi j'ai tant besoin d'amour / Y a-t-il quelqu'un ici ce soir ? / Y a-t-il quelqu'un ici ? / Quelqu'un qui veuille m'aimer ? / J'ai tant besoin d'amour / …Yeah, yeah » ?

… Ah, Mister G. : voyez combien il est risqué d’ouvrir la boite de Pandore du philosophe : elle laisse échapper tant de questions que vous risquez de préférer l’ignorance qui s’ignore à la connaissance de tous ces problèmes.

Mais rassurez-vous, Docteur-Philo est là, et il ne vous laissera pas dans les ténèbres de la métaphysique.

Après tout, le plus simple est de consulter les sages de l’antiquité. Eux, ils savent.

Ils savent que la sagesse est de se suffire à soi-même, et que le meilleur moyen d’y parvenir est de dépasser le besoin qu’on a des autres. Ce besoin vient du fait que nous sommes des êtres incomplets : nous aimons celui qui possède ce qui nous manque pour être pleinement nous mêmes. Si nous savons nous contenter de ce que nous sommes, alors oui : nous pouvons vivre sans amour.

Toutefois : reste la thèse platonicienne pour qui l’amour ne serait pas un sentiment qui vise une personne quelconque, mais un délire de l’âme au contact de la beauté. Cette fois, l’amour est ce que nous vivons devant un chef d’œuvre de l’art ou devant un coucher de soleil sur le Kilimandjaro.

Ça on ne doit pas s’en passer.

Bien à vous Mister G.

Docteur-Philo

(1) Je vous remercie au passage de m’avoir permis de la placer celle-là, parce qu’elle traînait au fond de mon tiroir où elle commençait à rancir.

dimanche 20 janvier 2008

Le bien et le mal, c’est quoi ?

Ousama B. a dit...
- C'est quoi l'axe du mal ?

George B. a dit...
- Tiens je me la posais aussi celle-là

George B. a dit...
- Et l'axe du bien? C'est quoi pendant qu'on y est?

Boite à questions

Alors qui vous êtes, vous, Ousama B. et Georges B. ?

… L’axe du bien et l’axe du mal…

J’ai compris : vous les frères B.

Est-ce que, par hasard, vous ne seriez pas des frères ennemis ? Vérifions.

1 - Supposons qu’il n’y ait qu’un seul axe. Voici la figuration du bien et du mal :

Mal/Bien <------------> Bien/Mal

Avec un seul axe, le conflit est en effet menaçant : le Bien de l’un est peut-être le Mal de l’autre, et réciproquement.

Dans ces conditions, Ousama et Georges, mieux vaut en effet qu’ils ne se rencontrent pas. Par exemple que Georges B. nous dise « l’axe du Mal, ce sont ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ notre seigneur ». Et qu’Ousama B. nous dise : « l’axe du Mal, ce sont ces chiens d’infidèles qu’Allah nous commande d’égorger ».

Toutefois, cette réponse risque de paraître un peu schématique aux exigeants lecteurs de Docteur-Philo, parce qu’on se demande pourquoi il y aurait un système unique de valeurs. Qu'est-ce qui nous dit qu'en affirmant son idéal, chacun ne peut que rejeter celui de l'autre?

2 - Supposons maintenant que nous ayons deux systèmes d’axes, chacun définissant son propre Bien et son propre Mal. Dans ce cas, Ousama et Georges restent chacun reste chez soi sans se préoccuper de l’autre : le mal de l’un ne coïnciderait alors pas nécessairement avec le bien de l’autre.

Mal <-----> Bien

Mal <-----> Bien

Par exemple, pour l’un ce seraient les dollars qu'il a dans sa poche qui seraient le bien, et pour l’autre ce serait la domination du monde par les mollahs.

Et en plus qu’est-ce qui empêcherait le Mollah en chef d’avoir plein de dollars dans sa poche ?

3 - Mais n’oublions pas la réponse qu’apporte Aristote : la vertu est le milieu entre deux vices constitués par deux excès contraires ; par exemple le courage est le milieu entre la témérité et la lâcheté.

On aurait donc :

Mal<----Bien---->Mal

Bon, s’il faut une réponse ce sera la mienne.

vendredi 18 janvier 2008

Pourquoi la vie ?

Quel est "l'intérêt" de la nature (si jamais elle a une volonté propre), de Dieu ou n'importe qui d'autre a "investir" autant d'énergie dans quel que chose d'aussi "éphémère": la vie, puisque la mort finira par prendre le dessus inéluctablement?
Nous finirons par mourir, ainsi que notre planète, le soleil (qui détruira notre planète si jamais ce n'est pas encore le cas), notre galaxie etc... (Question d'Alexandre - La Boite à Questions)

Vous finissez par suggérer la fameuse question métaphysique : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien du tout ? », mais en la renouvelant quelque peu :

- d’abord il s’agit de s’interroger sur la vie, et donc l’univers inanimé entendu comme quelque chose de différent de la vie n’est pas en cause.

- en suite, il ne s’agit pas de découvrir directement l’intention de l’auteur de la vie (Dieu ou la Nature), mais simplement de savoir comment se justifie la création de la vie, étant entendu que cette création est suivie d’anéantissement.

-- Notons d’abord que ce caractère provisoire de la vie a été interrogé par beaucoup de religions. Certaines - comme le christianisme - ont mis en place un jugement dernier qui n’est autre que la résurrection des morts. Donc la mort ne prend pas le dessus, du moins pas inéluctablement.

-- Si vous êtes matérialiste alors pas de création, seulement du hasard et de la nécessité. Donc pas de place pour la question « pourquoi », et surtout pas « dans quel but ». La nature ne fait rien, elle réagit. La plante qui fabrique feuilles et fleurs au printemps le fait tout aussi bien à n’importe quel moment dans nos serres quand nous manipulons les paramètres concernés. Et supprimons une enzyme de la chimie de notre cerveau et nous voici alzheimer.

Reste tout de même l’extraordinaire « finalité » de l’évolution et de la vie individuelle. C’est vrai que tout se passe « comme si » la plante s’organisait pour se reproduire, comme si les oiseaux vivaient en couple uniquement pour se relayer sur le nid. Et l’organisme réagit pour se protéger des agression comme si il voulait leur survire.

-- Si nous admettons de rêver un peu, et si nous nous bouchons les oreilles à ces rabat-joie de scientifiques, alors nous pouvons répondre à votre question : « C’est la vie qui se veut elle-même, c’est elle qui impose à la matière inanimée ses lois, qui bricole avec elle pour faire de l’évolution, pour faire encore et encore de la vie ; et l’intelligence humaine est le moyen que la vie a trouvé pour aller encore plus loin dans ce domaine - même si finalement ce n’était pas très malin. Donc il n’y a personne pour faire le bilan des efforts déployés au regard du résultat. Ou plutôt le résultat, si mince soit-il, justifie tous les efforts (1) »

Donc : ni Dieu ni Nature. La vie s’auto-produit, grâce à la volonté de vivre : voyez Schopenhauer. Seulement, pour lui, plus de but, plus de projet : c’est un développement aveugle.

Si ça vous plait pas, faites vous bouddhiste !


(1) Voir la Du Barry : «De grâce, monsieur le bourreau, encore un petit moment ! »

mardi 15 janvier 2008

J’ai 20 ans : est-ce que je suis adulte ?

- Allo ? C’est bien de me poser des questions, mais il faudrait être un peu plus précis. Vous pourriez me donner des détails ? Par exemple est-ce que quelqu’un vous a dit qu’à 20 ans vous n’étiez pas encore adulte ? Et pourquoi ?

- C’est ma mère. Elle m’a dit l’autre jour que parce que je ne gagnais pas ma vie je n’étais pas un adulte. Faut dire que je voulais qu’elle me paye un studio pour ma copine et moi.

- Et qu’est-ce qu’elle vous a répondu ?

- Elle m’a dit « Passe ton bac d’abord »

- Oui, c’est vrai qu’à 20 ans il faudrait y songer. Mais Docteur-Philo n’est pas là pour distribuer des blâmes. Je vais répondre à votre question.

Etre adulte, c’est simple. C’est être capable de faire des enfants et de les élever. Façon de dire que les enfants ne sont pas capables de survivre tout seuls. Ce qui est encore votre cas, à ce que je vois.

Bien entendu cette réponse est celle de l’espèce : elle vaut pour n’importe quel animal. Quand on pense à tous ces artistes ou intellectuels qui n’ont jamais eu d’enfant (Jean-Paul et Simone n’ont pas fait de petits) on se dit qu’il doit y avoir d’autres critères pour définir un adulte.

Connaissez-vous le poème de Kipling « Tu seras un homme mon fils » ? Non ? Alors tant mieux, parce que ça ne fait pas envie de quitter l’enfance - ou l’adolescence - tant c’est compliqué (1)

De toute façon, si être adulte c’est répondre aux critères sociaux et culturels, alors on n’a pas grand chose à en dire.

Par contre si être adulte c’est devenir un être différent des autres, l’assumer et participer en même temps à la vie d’un groupe en lui apportant ce que l’on est, alors je dirai qu’on n’est pas adulte - jamais. Mais qu’on le devient - toujours.

Ce qui signifie que l’existence est une différenciation progressive, par la quelle l’individu s’individualise de plus en plus. L’adulte est celui qui est sorti du troupeau - ou de la meute - pour mener sa vie à lui ; mais il reste au contact.

Also sprach Herr Doctor-Philo

(1) Pour le vérifier, voir ceci

dimanche 13 janvier 2008

Comment savoir si ma petite amie m’aime vraiment ?

Docteur-Philo ne tient pas la rubrique du Courrier du Cœur, mais il comprend que l’amour soit source de doute et d’angoisse. Il va donc répondre à cet aimable correspondant.

Cher correspondant, je voudrais vous demander d’abord de vous rappeler le célèbre texte de Stendhal intitulé La Cristallisation. Si vous ne le connaissez pas, cliquez ici.

En résumé, voici ce que dit Stendhal. La première cristallisation finit sur le doute : « L'amant arrive à douter du bonheur qu'il se promettait; il devient sévère sur les raisons d’espérer qu'il a cru voir... ». La seconde cristallisation naît alors. « Alors commence la seconde cristallisation produisant pour diamants des confirmation à cette idée : Elle m'aime. »

Je vois donc que vous êtes au terme de la première cristallisation ; mais rassurez-vous, la seconde va bientôt commencer. A ce stade, au milieu des doutes, naît la certitude que l’amour est partagé, puisque cette femme est la seule qui puisse vous donner effectivement tant de plaisir : « Elle me donnerait des plaisirs qu'elle seule au monde peut me donner ».

Voilà donc la réponse : votre bonne amie vous aime, sans quoi elle ne saurait vous donner les plaisirs que vous éprouvez avec elle.

Sympa comme réponse, non ?

Mais, je vois. Vous êtes un jaloux, et votre question est « comment savoir si ma petite amie ne pense pas à Leonardo DiCaprio pendant que nous faisons l’amour… »

Je sais ce qu’on répond dans ce cas : les actes d’amour sont les seules preuves d’amour ; si vous doutez qu’elles vous soient destinées, il n’y a rien à faire ; c’est que la cristallisation régresse…

Docteur-Philo a une suggestion à vous faire : trompez votre petite amie, et racontez lui tout. Allez-y, pas d’hésitation, ne lui épargnez aucun détail.

Et alors, si elle vous pardonne malgré tout, si elle vous dit : « mon amour, je t’aime tant que le mal que tu me fais n’est rien par rapport au bonheur que ton existence m’apporte. Je n’aime que toi, parce que tu es unique » etc…

Alors là, envoyez-moi un message pour me dire que ça a marché.

vendredi 11 janvier 2008

C’est quand le bonheur ?

C’est vous, Cali qui demandez ça ? Oui, je crois bien que c’est vous, même que vous le répétez huit fois ! La réponse doit urger…

Rassurez-vous : Docteur-Philo est là. Il va vous répondre.

Déjà, je vois bien que vous êtes déçu : qu’est-ce qui vous est arrivé ?

…Je résume : vous avez fini par séduire la fille qui vous plaisait, mais alors elle ne vous plaisait plus, mais vraiment plus du tout alors...

Hé bien, voyez vous, si vous êtes déçus, c’est parce que vous êtes passé à côté du bonheur, sans le voir. Et ne croyez pas qu’il fallait prendre le temps de découvrir les trésors que cette fille possédait et que vous n’avez pas cherché à connaître. Non : moi je dis que vous avez bien fait de la plaquer, mais que vous avez tort de le regretter. Vous devriez en être heureux. Le voilà le bonheur, et pas besoin de le répéter huit fois pour en être assuré.

Je m’explique en reprenant votre discours.

et que je me lamente, et que je me pends partout au téléphone, à l’espoir, par les pieds… c’est tout juste si vous ne menacez pas cette gentille fille de vous trucider sous sa fenêtre histoire de l’émouvoir. Mais sitôt que vous l’avez eue (c’est bien ça ?), vous la laissez tomber en disant c'est qu’on perd l'amour / aussitôt qu'on le gagne, hé oui… Oui, mais voilà que vous vous plaignez à nouveau : décidément c'est pas facile tous les jours. Et puis quoi encore ?

Moi je vais vous dire quel est votre problème, Cali : vous êtes un séducteur qui n’ose se l’avouer à lui-même. Vous êtes comme Don Juan, un Don Juan qui aurait le culot de se plaindre que ses conquêtes ne durent pas plus qu’une nuit, alors que c’est lui qui les plaque au petit matin. Parce que, le séducteur, c'est la conquête qui l'intéresse, pas la possession.

Voilà mon diagnostique, Cali : pour être heureux assumez vous un peu. Après tout, il n’y a pas de honte à être un Don Juan.

Mais peut-être est-il dans leur nature de chercher à se faire plaindre : voyez Nougaro… (1)

(1) C’est pourquoi cette chanson perd un part de sa saveur quand c’est une femme qui la chante. Comme Olivia Ruiz

jeudi 10 janvier 2008

D’où viennent mes idées ?

En voilà une question ! Si vous vous ne savez pas d’où viennent vos idées, comment voulez-vous que moi je le sache ? Creusez en vous-même, réfléchissez, associez vos idées les unes aux autres… Je ne sais pas moi, il doit bien y avoir quelque lueur de lucidité en vous !

… Bon… Ne prenez pas cet air boudeur. Je vois bien que vous vouliez dire autre chose et que vous n’y arrivez pas.

Docteur-Philo va tâcher de vous aider.

On a en effet des représentations, des images, qui surgissent en nous sans qu’on sache pourquoi, qui ont un sens, certes, mais qui est sans rapport avec la situation réelle. Les américains appelaient ça le « day dreaming », et notaient que ces images surgissaient lorsqu’une activité machinale assoupissait la conscience. Autant dire que le subconscient est à l’œuvre dès que la conscience est amoindrie. Freud ne dira pas autre chose.

Oui, ça c’est sûr. Mais il y a beaucoup plus intéressant. Lorsque je travaille, lorsque je cherche un souvenir ou une solution, il arrive dans ma conscience des idées, que je n’avais pas l’instant d’avant, et que je n’ai pas conscience d’avoir fabriquées à partir d’éléments préexistants. Je dis alors que je suis inspiré, et si j’étais poète, je dirais que ces idées, c’est ma Muse qui me les a soufflées.

Au fond, votre question, c’était plutôt ça, je crois : est-ce que je suis l’auteur de mes idées, puisqu’elles m’apparaissent spontanément, et que, même si je dois faire un effort de concentration pour qu’elles surgissent, je ne sais jamais ni comment ni pourquoi elles sont comme elles sont. Mais en même temps, ce sont bien mes idées, je ne croirai pas les anciens qui voudraient me faire croire qu’il y a une Muse qui se penche sur mon épaule pour me souffler à l’oreille ce que je suis en train d’écrire.

Les philosophes de la conscience ont bien noté ce fait ; ils l’ont même identifié à la conscience elle-même. Je ne peux jamais me prendre comme objet d’étude, je ne serai jamais penché à la fenêtre pour me regarder passer dans la rue. Il y a une tâche aveugle dans ma conscience comme dans ma rétine : c’est là que surgit le moi.

Que faire des criminels ?

Voilà en effet la question que se posent les députés en ce moment : lorsqu’un auteur d’actes de violence sexuelles - ou autre - se révèle potentiellement dangereux à l’issue de sa détention, que peut-on en faire ?

Il y a deux réponses possibles :

- la première, celle qui a suscité la loi, consiste à dire : « les délinquants sexuels sont irrécupérables. Et même, après 20 ans d’enfermement, ils sont devenus des bombes prêtes à exploser en sortant. Les remettre en liberté, c’est mettre en danger tous ceux qui seront sur leur chemin. Gardons-les enfermés. »

- la seconde : « si on a mis ces gens en prisons, c’est pour qu’ils purgent leur peine, ce qui veut dire aussi qu’ils effacent leur faute derrière les barreaux. Parler de criminels lorsqu’ils sortent de prison est un déni de justice, et les mettre dans une nouvelle prison non pas pour les crimes qu'ils ont commis, mais pour ceux qu’ils pourraient perpétrer est un retour à l’arbitraire en matière de justice. Car ça revient à enfermer les gens non pas pour ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils sont (cf. R. Badinter) »

Qui a tort, qui a raison ?

Admettons que ces délinquants soient des malades. Il faut donc les soigner et la prison ne sert pas à grand chose dans ce cas. Donc, construisons les centres de soins fermés et mettons-y les délinquants dès leur emprisonnement. Peut-être guériront-ils…

Oui, mais… s’ils sont incurables ? Hein, qu’est-ce qu’on en fait des incurables ?

Vous m’avez deviné : je connais pas mal de braves gens qui diront : mieux vaut leur couper le tête tout de suite, comme ça ils ne vont pas violer et étrangler nos petits filles.



P.S. L'image, c'est M. le Maudit

mardi 8 janvier 2008

Avant ma naissance, où est-ce que j’étais ?

A question saugrenue, réponse intelligente. Pas facile…

Car on n’admet plus facilement de ne venir de nulle part - donc de sortir du néant - que d’y entrer - après la mort.

Donc, jeune homme, remarquez le changement : étant plus jeune vous demandiez où était passé Grand-père que pourtant vous veniez d’accompagner au cimetière. Voilà donc une marque de maturité, puisque en vous interrogeant sur l’origine de votre vie, vous vous interrogez en même temps sur son sens. Quand on se demande d’où on vient, c’est qu’on cherche à savoir où l’on va (1). De plus, par cette interrogation, vous vous inscrivez dans le destin humain : « Excepté l'homme, aucun être ne s'étonne de sa propre existence » voilà ce que dit Schopenhauer, et c’est la raison pour la quelle il définit l’homme comme « animal métaphysique ».

Voici maintenant ma réponse :

- Principe fondamental : rien ne vient du néant. Il faut être Dieu pour créer le monde à partir de rien (création ex nihilo). Donc, avant votre naissance, il y avait des choses sans les quelles vous n’auriez pas pu naître.

- Avant votre naissance, vous étiez quelque part dans votre père et votre mère. Non pas dans leur organes reproducteurs… Non ça c’est l’apparence. En réalité, vous étiez dans les gènes qui les constituent, et peut-être aussi dans leur manière d’être, dans leur culture, bref dans tout ce qu’ils étaient prêt à vous transmettre, à vous leur héritier.

(1) Proverbe africain connu. Voir Post du 15 juin 2007

Qu’est-ce qu’il y a dans la poussière ?

Ah.. Jeune homme ! Je devine en vous un allergique, celui qui se met à suffoquer en entrant dans la maison de sa grand-mère… C’est ça hein ? Mais en plus vous ne vous contentez pas de l’ordonnance de votre médecin : vous voulez que Docteur-Philo vous apporte son point de vue sur l’origine de la poussière, sur sa signification : pourquoi y a-t-il de la poussière plutôt que pas de poussière du tout ?

Alors au début de tout, il y a la création du monde : la poussière était là avant l’homme, car Adam a été fait de poussière. C’était simplement de la terre ou du sable, parce que nous ne savons pas de quoi était fait le monde à cette époque (1). Point d’allergie à cette époque, vous en conviendrez.

Et puis il y a eu les matérialistes, comme Epicure - et Démocrite. La poussière qui danse dans le rayon de soleil, dans la chambre obscurcie de votre grand-mère en été, est selon eux en réalité faite d’atomes. Autant dire qu’on ne peut répondre à la question de savoir ce que c’est que la poussière, puisque tout ce qui existe étant fait d’atomes, elle n’est autre que l’état primordial de la matière, c’est elle qui explique le reste, mais qu'on ne peut expliquer en elle même. Tout au plus peut-on dire que ses petits grains ont des formes variées, et qu’ils comportent tout un petit crochet, qui les permet de s'arrimer les une aux autres pour constituer la matière solide.

Et enfin, il y a la poussière de la maison de votre grand-mère, celle qui se dépose sur les armoires, et qui est le signe de la décrépitude, le résidu des choses quand elles se sont décomposées ; c'est d'elle qu'on peut dire qu’elle résulte de la désorganisation des choses. Elle est le résidu du tissu des rideaux, le résidu des desquamations des corps dans les lits, les résidus des déjections des acariens qui s’en sont repu (beurk…).

La poussière, c’est la mort, comme le prouve le fait que dans la Vallée de l’Oklahoma, le vilain cow-boy roule - les bras en croix - dans la poussière du chemin, une balle dans le dos…

(1) Je pencherais pour de la terre parce que les sables du désert me paraissent être la conséquence du péché originel, lorsque Dieu frappe de stérilité la nature pour obliger Adam à travailler plus tout en gagnant moins.

Pourquoi les chiens ne font-ils pas des chats ?

Ah, jeune homme ! Vous en avez de la chance…

Tout autre que moi s’indignerait qu’on lui pose une question aussi bête. Mais pas le philosophe : excelllllente question, au contraire.

Déjà, c’est une bienheureuse disposition de la Nature qui ne permet pas le mélange des espèces : les mulets, qui résultent du mélange cheval-ânesse (à moins que ce ne soit jument âne, je confond toujours mulet et bardeau) sont stériles : le mulet ne peut fonder une espèce nouvelle.

De plus, ça confirme que les mutations génétiques sont exceptionnelles et infimes. On verra un chien donner naissant à un chien à cinq pattes ou à un chien albinos, mais ce sera toujours limité à un détails anatomique - dont seule l’accumulation de mutations en mutations, échelonnées de génération en génération finira par donner naissance -peut-être - à une espèce nouvelle.

Alors, pourquoi est-ce une excellente question ? Parce que les manipulations génétiques sont aujourd’hui capables de faire qu’une espèce engendre une autre espèce.

Aujourd'hui on devrait dire: pourvu que les chiens fassent jamais des chats.

Pourquoi Dieu permet-il la guerre ?

- Sachez, jeune homme que le professeur de philosophie n’a pas à répondre à des questions qui mettent en jeu la foi et non le raisonnement. Néanmoins, pour ne pas vous faire croire que je suis sec, je veux bien faire état des arguments présentés par certains « mystiques » (1).

Donc premièrement rien n’arrive que Dieu n’ait permis et donc voulu. La guerre arrive : donc elle est voulue par Dieu.

Donc :

  • Premièrement, les pacifistes ont tort ;
  • Secondement, la curiosité que vous manifestez est pècheresse.

Sachez donc que la foi doit l’emporter sur la raison, et que cultiver cette dernière est péché d’orgueil. Voyez Pascal là-dessus.

Mais comme le dit notre guerrier mystique (voir note) tout le monde n’a pas cette bien heureuse incuriosité.

Trois arguments peuvent expliquer la guerre :

- d’abord, elle est une variante de la violence qui est omniprésente dans la nature et nécessaire à se régénération. La vie sort de la mort, rien ne vit sans la mort.

- en suite elle est le résultat de la corruption humaine, issue du péché originel. Tout ce que l’homme fait de bon est une réaction à cette tendance originelle à faire le mal. La question serait donc plutôt : Comment la paix est-elle possible ?

- enfin, Dieu accepte que la guerre soit possible parce qu’Il nous a envoyé le réconfort de Son Fils Christ Jésus.

Je dois admettre que ce sont là des arguments un peu lights, mais reconnaissez qu’ils nous évitent de parler de la guerre sainte, celle dont Dieu délègue la lieutenance aux fidèles, chargés de régler leur compte aux Infidèles.

Et ça, on en trouve aussi aujourd’hui.

(1) Voir SÉDIR - La guerre de 1914 selon le point de vue mystique. consultable ici