lundi 5 octobre 2009

Ma question est : que signifie être poli ?

J’invite mon honorable correspondant à se reporter à mon Post récent consacré aux rapports entre la politesse et l’hypocrisie. (Cf. ici), car je ne vois pas pour l’instant grand-chose à dire de plus.

Je peux toute fois en profiter pour reproduire le texte de Schopenhauer, pour ceux qui ne l’aurait pas lu en ligne :


Les porcs-épics

« Par une froide journée d’hiver un troupeau de porcs-épics s’était mis en groupe serré pour se garantir mutuellement contre la gelée par leur propre chaleur. Mais tout aussitôt ils ressentirent les atteintes de leurs piquants, ce qui les fit s’écarter les uns des autres. Quand le besoin de se réchauffer les eut rapprochés de nouveau, le même inconvénient se renouvela, de sorte qu’ils étaient ballottés de çà et de là entre les deux maux jusqu’à ce qu’ils eussent fini par trouver une distance moyenne qui leur rendît la situation supportable. Ainsi, le besoin de société, né du vide et de la monotonie de leur vie intérieure, pousse les hommes les uns vers 1es autres ; mais leurs nombreuses manières d’être antipathiques et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau. La distance moyenne qu’ils finissent par découvrir et à laquelle la vie en commun devient possible, c’est la politesse et les belles manières. En Angleterre on crie à celui qui ne se tient pas à cette distance : Keep your distance ! Par ce moyen le besoin de se réchauffer n’est, à la vérité, satisfait qu’à moitié, mais, en revanche, on ne ressent pas la blessure des piquants. Cependant celui qui possède assez de chaleur intérieure propre préfère rester en dehors de la société pour ne pas éprouver de désagréments, ni en causer. »

Arthur Schopenhauer – Parerga et Paralipomena

samedi 3 octobre 2009

Artiste et sportif, même métier

Selon moi on appelle quelqu'un artiste lorsque le métier d'une personne ne sert à rien d'autre que provoquer des émotions et des sentiments. Alors les musiciens autant que les sportifs sont à mes yeux des artistes.

Commentaire au post Qu’est-ce qu’un artiste ?

1 - Artiste serait donc un métier.

2 - Ce métier ne consisterait pas à produire une œuvre, mais à induire des émotions chez autrui.

3 - Artiste et sportif = même nature.

La difficulté avec l’art – et donc avec les artistes – c’est de tracer les limites du concept, c'est-à-dire donner les caractéristiques sans les quelles l’art cesse d’être de l’art, et l’artiste un artiste.

Quand vous croisez ces difficultés avec les incertitudes soulevées par les autres concepts que vous ajoutez dans la relation (qu’est-ce qu’un métier ? Qu’est-ce qu’un sportif ?), alors vous avez besoin de quelqu’un qui vienne avec un solide gourdin pour faire un peu respecter les frontières.

1 – Concernant le métier, l’idée d’artiste s’est construite dans notre civilisation en faisant reculer le rôle de l’apprentissage – donc du métier – au profit de l’inspiration, du génie, du talent, etc… Sans être d’un romantisme excessif, on dira que le propre de l’artiste, c’est précisément d’exister au-delà du métier

2 – Pour ce qui est de l’œuvre, c’est là que la difficulté est la plus grande. On a très couramment l’idée que l’artiste produit une œuvre et donc pas seulement de l'émotion. Une œuvre, c'est à dire quelque chose qui immortalise son auteur - pour le moins, quelque chose qui dure.

Oui, mais comme le faisait observer Nietzsche, le danseur ne laisse derrière lui aucune œuvre, son art, tout son art disparaît avec sa danse.

3 – Est-ce une raison pour identifier artiste et sportif ? A supposer que le sportif ne produise que de l’émotion chez le spectateur – et non un exploit qui fait reculer les limites des capacités humaines – pourquoi pas ? On voit bien que certains sports sont à cheval sur l’art et le sport – et justement on peut penser au sport équestre, mais aussi au patinage sur glace.

Toutefois : l’art a quelque chose qui va au-delà de l’émotion passagère. L’art, même sans produire d’œuvre, dure bien au-delà de sa manifestation.

Hannah Arendt disait même que c’est le propre de l’art que de produire quelque chose qui dure parce que ce n’est pas fait pour la consommation.

--> L’œuvre de l’artiste – son produit – c’est aussi quelque chose qui donne à penser, quelque chose qu’on peut revoir, réentendre, indéfiniment ou presque, avec toujours une sensation neuve, avec toujours une pensée de plus.

L’œuvre d’art c’est ce dont on n’a jamais fini de parler.

Alors, tant mieux si l’exploit sportif entre dans cette catégorie…