mercredi 23 janvier 2008

Faut-il juger les fous ?

Merci de ne pas avoir demandé s’il l’on pouvait les juger, parce que ça on le peut si bien qu’une grande proportion des détenus sont des aliénés. Les prisons sont le plus grand asile psychiatrique de France.

On le peut. Mais le doit-on ?

Notre chef d’Etat, dans un discours a dit qu’il était normal que les aliénés mentaux soient traduits devant le tribunal. Ce qu’ils ont fait est bien criminel et on doit à leurs victimes cette réparation que constitue un procès. On retrouve ici cette conception de la justice compassionnelle, qui fait de la souffrance des victimes l’origine et la mesure de la peine à infliger au coupable. Admettez qu’il y a d’autres façons de concevoir la justice. Parce qu’à ce compte-là, on doit donner raison aux Tribunaux d’autrefois qui jugeaient et condamnaient les animaux qui avaient causé des dégâts dans les habitations ou les champs.

Trêve de plaisanterie. L’opinion publique veut du coupable en face de chaque délit, et elle récuse le diagnostique de folie délivré par les experts psychiatres. Dire qu’on doit juger le criminel, même diagnostiqué fou, parce que la folie n’existe pas, c’est une façon de reconnaître que la folie, au même titre que la mort, serait une cause d’extinction de l’action judiciaire. S’il faut un coupable, alors il faut que la folie n’existe pas.

Je ne trouve pas ça très sérieux. Soyons plus rigoureux : si le criminel est bien un fou, faut-il le juger quand même ? C’est bien ce que disait notre Chef d’Etat : il doit y avoir procès, parce que, si ce criminel est guéri plus tard, alors il faut que la victime puisse être indemnisée.

Donc, si l’action de la justice est éteinte au pénal, elle ne doit pas l’être au civil.

O.K. J’ai compris ça. Mais on détourne le problème : parce que dans tous les cas, tout de même, s’il y a condamnation au civil, c’est qu’il y a responsabilité. Qu’on se souvienne du procès d’O.J. Simpson, acquitté au pénal et condamné au civil pour l’assassinat de sa femme. Personne n’y a rien compris.

J’ai traité ailleurs de l’imputation juridique de responsabilité. Je bornerai à dire que la responsabilité suppose la capacité à choisir entre faire et ne pas faire. Les tribunaux américains qui malgré leur juridisme peuvent être aussi des modèles de rigueur, demandent aux jurés de dire si l’accusé avait, au moment des faits, la capacité de faire la distinction entre le bien et le mal (ce qui au passage aurait dispensé de faire des procès aux truies ou aux chèvres). Ce qui signifie, non pas qu’il a choisi de mal faire, mais qu’il pouvait - et donc qu’il devait - savoir qu’il faisait le mal. Ce qui nous rend responsables de nos actes, c’est que nous devons pourvoir les assumer.

Le fou qui tue dans son délire un passant parce qu’une voix lui a dit l’oreille que c’était l’antéchrist, en admettant ce que délire soit réel, est irresponsable, et on ne voit pas bien sur quelle base il devrait indemniser ses victimes une fois guéri.

Mais j’admets que le débat reste ouvert.

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