D'après une citation de Teilhard de Chardin
Belle question. Reste à dire quel est le problème – et donc quel enjeu se cache derrière.
A - Si nous sommes des êtres spirituels et accessoirement humains (puisqu’on resterait je suppose spirituel même si on ne vivait pas cette « expérience humaine »), alors l’enjeu est de savoir si c’est une chance ou un malheur que de vivre cette humanité.
Deux exemples :
- Le mythe du Phèdre (Platon) : les âmes étaient douées d’ailes et non de corps ; elles volaient dans le ciel jusqu’à ce qu’elles commettent des fautes qui les ont précipitées sur terre. Là elles sont « tombées » dans des corps, et elles restent ainsi, piégées et privées d’ailes, dans ce que nous appellerions quant à nous « expérience humaine ». C’est un malheur.
- Jésus Christ, Dieu qui s’est fait homme pour racheter les péchés de l’humanité. Ici, une pure spiritualité a choisi le destin humain. Comme Jésus nous sommes sur terre – avec notre destin d’homme – pour faire notre salut.
--> L’enjeu, c’est le prix à payer si nous acceptons de dire que nous sommes des êtres spirituels auxquels il échoit de vivre une expérience humaine. Et ce prix, comme le montrent nos deux exemples, c’est le dualisme : nous sommes d’abord une âme – et ensuite nous sommes une âme incarnée (selon la Genèse, lors de la création, Dieu a modelé une statuette d’argile (corps) et il lui a insufflé la vie (âme d’essence divine).
B – Si nous sommes des êtres humains et accessoirement spirituels, alors nous sommes des animaux parmi d’autres, nous pouvons fort bien nous passer de cette âme et de cet « esprit » sans cesser d’être des hommes. C’est cette idée qui fait bondir les créationnistes lorsqu’ils ont compris que tel était le message de Darwin.
Toutes fois : on nous dit : « expérience spirituelle », ce qui est compatible avec quelque chose comme un devenir. Ainsi, parle-t-on d’une évolution de l’humanité qui en dehors du processus d’hominisation aurait conduit l’humanité sur les chemins de la civilisation. Telle est la conception hégélienne de l’histoire – mais telle est aussi l’origine du pessimisme de Rousseau : l’homme est un être spirituel ? Oui, mais « l’homme qui médite est un animal dépravé »…
On le voit : le prix à payer ici est celui de la responsabilité du mal. Et pas par je ne sais quel mythe plus ou moins crédible (dont fait partie selon moi le péché originel) : par la décision au quotidien d’être non pas plus qu’un homme, mais moins qu’un homme (Merleau-Ponty).