samedi 29 mars 2008

Comment reconnaît-on qu’on est dans une dictature ?

Comment reconnaît-on qu’on est dans une dictature ?

Docteur-Philo

Oui, mes chers lecteurs, vous avez bien lu : c’est moi, Docteur-Philo qui pose la question. Et forcément, si je la pose c’est que je n’ai pas la réponse, et que c’est à vous qui me lisez de m’aider à la chercher.

En effet, on passe son temps à déclamer des phrases bien enflammées sur la perte des libertés, sur le mépris de la démocratie, sur la monarchie républicaine, que sais-je encore ?

Si vous êtes convaincu que la démocratie est morte, c’est bien que la dictature s’est imposée. Comment le savez-vous ? A quoi le voyez-vous ?

1ère réponse : le dictateur est celui qui ne rançonne ses sujets que lorsqu’il les a privés de toutes les libertés politiques, ce dont ils ne se sont pas aperçus.

« Par tout pays, le peuple ne s’aperçoit qu’on attente à sa liberté que lorsqu’on attente à sa bourse ; ce qu’aussi les usurpateurs adroits se gardent bien de faire que tout le reste ne soit fait. » Rousseau – Lettres écrites de la montagne – 7ème lettre

2ème réponse : l’homme, tyrannisé par le dérèglement des passions est conduit à tyranniser les autres :

« Ainsi donc, merveilleux ami, rien ne manque à un homme pour être tyrannique, quand la nature, ses pratiques, ou les deux ensemble, l'ont fait ivrogne, amoureux et fou. » Platon République, livre IX (source)

3ème réponse : là où le pouvoir exécutif fait les lois, ou au moins dicte ses décisions au pouvoir législatif ; là où il prétend passer par dessus les juges pour dire ce que doit être la sanction pénale, il y a arbitraire et donc dictature.

"Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution." Article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

4ème réponse : est despotique le régime qui interdit les livres.

« Dans un pays imaginaire où la lecture et la possession de livres sont rigoureusement interdites et considérées comme des instruments de subversion du peuple. Les opposants à cette règle sont sévèrement pourchassés et les ouvrages trouvés chez eux impitoyablement brûlés. C'est le corps des pompiers qui est chargé de cette tâche. » Truffaut – Fahrenheit 451 (source)

5ème réponse : est totalitaire le pouvoir qui surveille constamment ses sujets, effaçant ainsi la séparation entre la vie privée le domaine politique

« Le chef suprême du Parti est Big Brother, dont visage immortel et adulé est placardé sur les murs de la ville. Tous les membres du Parti sont constamment surveillés par la Police de la Pensée et chaque geste, mot ou regard est analysé au travers des « télécrans » qui balayent les moindres lieux. » Georges Orwell – 1984 (résumé - source)

….

On l’aura compris : trop de réponse tue la réponse.

… Mais surtout,

- les libertés politiques, on ne s’en sert plus (débat démocratique disparu, abstention aux élections…). Par contre les impôts, on les surveille, oui.

-le dérèglement des passions, inutile de vous faire un dessin.

-la séparation des pouvoirs, voyez le rôle du chef actuel de l’exécutif

-interdire les livres ? C’est quoi un livre ? Police de la pensée ? C’est quoi la pensée ?

-Mettre les citoyens sous vidéosurveillance ? Ça me rappelle quelque chose…

4 commentaires:

Djabx a dit…

Une fois n'est pas coutume, vous nous demandez de vous aider. Autant vous le dire tout de suite, à titre personnel je doute que ce soit gagner mais bon je vais tâcher de faire mon possible.

Alors je suis allé chercher quelques définitions avant tout:
La dictature désigne un régime politique dans lequel un homme ou un groupe d'hommes exercent tous les pouvoirs de façon absolue, sans qu'aucune loi ou institution ne les limite. (d'après wikipédia).

Cette définition ne semble pas vraiment correspondre à vos exemples.
Je pense que celle de Monstesquieu est plus en accord avec la votre: le despotisme ne connait comme loi que la volonté du maître (ou Tyran), le principes de ce gouvernement est la crainte. (cf: De l'esprit et des lois p 42 et 43)

Par définition, je vous répondrai donc que nous somme en dictature:
_si un homme ou un groupe d'homme est au pouvoir, SANS contre pouvoir.
_et si un des principes de base de cet homme, ou de ce groupe d'hommes est de gouverner par le crainte


Ainsi, comme dans notre république (la cinquième), le président peut faire ce qu'il veut, sans vraiment avoir de contre pouvoir.
On peut dire que nous sommes dans une dictature non tyranique car non gouvernée par la crainte.

Toutefois, je pense que ce raisonnement est un peu "léger" car il ne prends pas vraiment en compte la liberté d'expression des peuples, la liberté d'information ou même la liberté de manifestation (pour ces trois points je vous invite à voir les émissions, débats à propos de la chîne et du tibet qu'on peut voir en ce moment) si ce n'est dans la crainte que peut brandir le gouvernement face à ces libertés individuelles.


Enfin (et pour finir) je me permeterrai de vous demander est-ce que notre modèle démocratique, basé sur les libertés individuelles, et dont le principe de base d'après Montesquieu est l'égalité est vraiment le meilleurs?
Je sais aussi que comme disait Churchill La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes, mais cette réponse ne me convient pas.

Je pose cette question, car en ce moment beaucoup de débats émmergent pour savoir s'il faut ou non boycotter les futures JO, sous pretexte que la Chine ne respecte pas les droits de l'hommes au Tibet (entre autres). A l'occasion de ces débats, beaucoup disent qu'ils faut défendre les droits de l'homme malgrès tout, comme si c'était le mmieux de tout.
Or combien de dictatures nos pays occidentaux si "démocratique" ont "sponsorisé" pour vendrent leurs armes, récupérer du pétrole, ou renverser un pouvoir un peu trop virulent à leur encontre?

La démocratie était-elle un modèle de société si "parfaite" qu'elle se doivent de renverser toutes les autres modèles de société?
Les populations sont-elles vraiment plus heureuses avec la démocratie et l'économie de marché ? (Le lien entre les deux est une thèse de J.Attali Une brève histoire de l'avenir)

Jean-Pierre Hamel a dit…

Merci de vos observations aux quelles je souscris sans hésiter. Quant à ce que nous réserve l’avenir, on hésite en effet entre Orwell et Mad Max…
" Enfin (et pour finir) je me permettrai de vous demander est-ce que notre modèle démocratique, basé sur les libertés individuelles, et dont le principe de base d'après Montesquieu est l'égalité est vraiment le meilleurs?"
--> En général on estime que la valeur de la démocratie est en contradiction avec la réalité. Une vraie démocratie serait impossible, alors qu’une vraie dictature est franchement possible. Rousseau, après avoir déclaré dans la préface du discours sur l’inégalité qu’il prendrait les hommes tels qu’ils sont, avoue plus tard que son essai n’est valable que pour « un peuple d’anges ».
Deux observations :
1 - Grosso modo, on considère qu’en effet la dissolution du peuple en classes ou groupements d’intérêts en conflits les uns avec les autres signe la mort de la démocratie, d’où l’idée que la vitalité d’une démocratie se mesure au sort fait aux plus pauvres. De là à dire qu’elle est une idée de gauche… Mais non, je l’ai pas dit !
2 - Comment faire pour que la démocratie soit possible malgré sa relative inefficacité dans les cas de crise ?
J’observe que les démocraties "réalistes" possèdent des systèmes qui permettent de suspendre les mécanismes démocratiques lorsque ceux-ci sont incompatibles avec le contexte. Ainsi avec l’article 16 de notre constitution, qui prévoit que le Président gouverne sans passer par le contrôle du pouvoir législatif, et cela dans des limites de temps fixées par les députés justement. A-t-on déjà vu une dictature fixer un délai pour devenir au moins provisoirement – démocratique ? Les généraux qui organisent des élections sont habituellement ceux qui ont ruiné leur pays et qui ne peuvent plus se maintenir au pouvoir parce que leurs soutiens économiques les ont lâchés.
La maturité démocratique serait ainsi mesurée par cette capacité à quitter le régime démocratique et à y revenir dans des délais fixés à l’avance.

Djabx a dit…

Bonjour,

Ce matin, ce post est revenu dans ma mémoire, et m'a fait me poser une nouvelle question.

Si un gouvernement dit démocratique:
-vous privait de vos liberté fondamentale (sans vous en rendre compte) et toujours avec un bon prétexte (ex: liberté d'expression qui prend un plomb dans l'aile pour un procès en diffamation par exemple / atteinte à la vie privée pour lutter contre le terrorisme )
_mélangeait les pouvoir pour en fin de compte tous les contrôler, sans vraiment de contre pouvoir
_ferait un trie sur les livres disponibles dans les bibliothèques (sans pour autant les interdire complètement)
_vous surveillerait constamment (l'avenir du GPS...)

Ce gouvernement ne serai pas une tyrannie, ni une dictature, dans la mesure où il ne gouvernerait pas par la crainte. C'est beaucoup plus insidieux: il vous convainc que c'est la meilleurs chose à faire.

Mais alors comment nomme ton un tel gouvernement ?

Jean-Pierre Hamel a dit…

(J’avais loupé cette réponse, c’est pourquoi j’y reviens après 10 jours. Mille excuses…)
« Ce gouvernement ne serait pas une tyrannie, ni une dictature, dans la mesure où il ne gouvernerait pas par la crainte. C'est beaucoup plus insidieux: il vous convainc que c'est la meilleurs chose à faire.
Mais alors comment nomme ton un tel gouvernement ? »

Ce que vous décrivez là, c’est exactement ce qu’on appelle la démagogie.
Vous devez en effet observer que si ces privations de liberté n’entraînent aucune réaction de la part du peuple, c’est que celui-ci est « endormi » par des mesures tendant à satisfaire ses désirs (« panem et circences » des romains). C’est pourquoi le premier tyran grec fut Pisistrate, tyran parce que menant une politique que nous qualifierions de populiste, mais aussi parce qu’_usurpateur_.
--> Usurpateur : cela veut dire que satisfaire les instincts (désirs, ou comme vous voudrez les nommer) du peuple n’apporte aucune légitimité.
Voilà de quoi réfléchir ; n’est-ce pas _précisément_ ce qui aujourd’hui confère la légitimité du politique ?