dimanche 9 mars 2008

Jouer, c'est du temps perdu ?

Jouer, c'est du temps perdu ?

Et vous qu’est-ce que vous en pensez ? Oui, vous qui allez acheter des jouets pour vos enfants, surtout s’ils sont petits - parce qu’après bien sûr ce n’est plus vous qui les choisissez, mais eux.

Inutile de répondre : je sais déjà ce que vous allez dire. Il faut allier le jeu et l’apprentissage, parce que les enfants ont besoin d’apprendre et qu’on peut le faire bien mieux en jouant. Le jeu en tant que tel, est donc du temps perdu. Et d’ailleurs regardons les animaux : le jeu est pour eux l’occasion d’apprendre les comportements de la chasse ; on voit bien que ce sont principalement les prédateurs qui jouent : le chaton qui apprend avec sa mère à capturer une souris déjà un peu estourbie, voici le prototype du jeu.

Les philosophes des Lumières ( de l’Aufklärung devrais-je dire) ont tiré à boulet rouge sur cette conception du jeu : voyez Hegel Principes de la philosophie du droit (1). L’éducation nécessite une rupture, et faire du jeu un élément éducatif, c’est refuser aux enfants de les prendre au sérieux dans leur désir de devenir adultes, c’est donc les rabaisser à n'être que des enfants, et rabaisser à leurs yeux les adultes qui prétendent jouer avec eux.

- J’ajouterai quelque chose, que Hegel ne pointe pas ici - mais sans doute le fait-il ailleurs. C’est l’obsession de l’utilité qui sévit à notre époque. Il faut que tout soit utile, et comme on n’est pas utile sans un objectif précis, le jeu doit être utile pour permettre à l’enfant de réussir dans la compétition sociale où il va s’inscrire inévitablement. On dirait que l’obsession de la visée pédagogique associée à chaque jeu acheté renvoie à cette attitude si amusante des mamans qui font entendre de l’anglais à leur enfant encore dans leur ventre pour qu’il soit dès la naissance conformé à ces sonorités.

Le message de Docteur-Philo est clair et net : le jeu est un moment de liberté et d’invention pour l‘enfant, qu’il soit seul ou à plusieurs. Si l’enfant apprend quelque chose, en jouant, c’est qu’il en a eu besoin pour le libre exercice de son jeu.

A part ça, le jeu n’est par tout, et il y a la contrainte de l’apprentissage. Et comme le dit Hegel, c’est pour eux une façon de grandir (2).

C’est aux adultes que nous sommes de leur donner envie de grandir.

Etre comme papa, et pas comme Peter Pan.

(1) Voici un extrait du § 175 - Remarque

« La pédagogie par le jeu prend déjà l'élément enfantin comme quelque chose qui vaut en soi-même, le donne aux enfants tel quel, et rabaisse pour eux ce qui est sérieux et se rabaisse elle-même dans la forme enfantine, assez méprisée par les enfants eux-mêmes. Dès le moment qu'elle est forcée, en ce qui concerne ces enfants, dans l'état d'inachèvement où ils se sentent, de les représenter plutôt comme finis, et de le rendre en cela satisfaits, - elle dérange et pervertit ce qui est leur vrai besoin à eux, et leur meilleur besoin, et elle produit, d'une part, l'absence d'intérêt et l'esprit borné à l'égard des rapports substantiels du monde spirituel, d'autre part, le mépris des êtres humains, puisque, lorsqu'ils étaient enfants, ceux-ci se sont présentés à eux d'une façon enfantine et méprisable ; enfin elle produit la vanité et la présomption qui se repaît de sa propre excellence ».

(2) « La nécessité pour les enfants d'être éduqués est chez eux comme le sentiment propre d'être insatisfaits en eux-mêmes tels qu'ils sont, - comme la tendance à appartenir au monde des adultes, auquel ils aspirent comme à une réalité plus haute, le souhait de devenir grands. » Idem

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