lundi 3 mars 2008

Pourquoi les hommes sont attirés par le pouvoir ?

Pourquoi les hommes sont attirés par le pouvoir ?

La boite à questions

- Première remarque : certains considérerons cette question comme étant saugrenue ; puisque tous les hommes, quand ils désirent quelque chose, désirent directement ou indirectement avoir du pouvoir, alors il est inutile de la poser, parce que c’est un fait originel, qu’il suffit de constater sans avoir la prétention de justifier. Toutefois, c’est aussi une raison pour que le philosophe s’y intéresse.

- Seconde remarque : Machiavel ne se pose pas cette question, du moins dans le Prince. Il s’intéresse à la manière de conquérir ou de garder le pouvoir, et il admet que la possession du pouvoir est une fin qui justifie n’importe quel moyen. Là encore, et même plus encore, il faut se demander en quoi le pouvoir est une valeur ultime, un bien en soi, tel qu’il justifierait tous les moyens.

D’abord, il faudrait se demander en quoi consiste le pouvoir dont nous parlons ici : pris absolument, comme on dit dans les dictionnaires, il s’agit généralement du pouvoir politique, ou du moins du pouvoir exercé sur les hommes. Pourtant son origine et son étendue reste indéterminée ; en témoigne le célèbre passage de la bible : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Matthieu, XXII, 21).

Beaucoup de moralistes critiqueront cet appétit de pouvoir, disant qu’avant d’exercer un pouvoir sur autrui, il faudrait en exercer un sur soi-même : la capacité à gouverner les autres suppose une aptitude morale, elle n’est donc pas simplement le résultat d’un penchant, que tous auraient, mais aussi le prolongement d’une capacité, que tous n’ont pas. D’ailleurs Aristote critiquait cette idée qu’il y aurait un penchant universel chez les hommes pour le pouvoir : l’esclave est celui qui ne sait pas se commander lui-même ; il ne devrait donc pas avoir le désir de gouverner. Une cité des esclaves est aussi improbable qu’une cité des femmes.

A supposer que ce penchant puisse exister indépendamment de la capacité (donc en-deçà de la sphère politique) : laissons de côté les deux formulations que nous avons déjà écartées de l’analyse

- C’est une passion première, qui est liée à l’espèce humaine, et donc il n’y a pas lieu de s’interroger sur sa signification, mais seulement de noter son existence.

- C’est la conséquence d’un instinct lié à l’espèce : idem ;

Reste l’hypothèse de Nietzsche : le désir de pouvoir est l’expression de ce qui est le meilleur en nous, c’est donc l’expression de notre volonté de puissance. Nietzsche définit la volonté de puissance non comme la volonté de devenir puissant, mais la volonté qui accompagne la puissance. C’est le faire absolu, celui qui ne s’interroge pas à propos des effets sur autrui de l’acte. Agir n’a d’autre intérêt pour celui qui agit que de donner corps à son vouloir, de l’extérioriser dans un acte, peut-être même pas dans une réalité tangible (1).

L’amour du pouvoir est donc totalement indifférent à la politique entendue comme la passion du Bien Public.



(1) Comme le danseur, dont l'œuvre ne laisse pas de réalité matérielle, subsistant après sa danse

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