mardi 25 mars 2008

Pourquoi se demande-t-on toujours pourquoi ?

Coucou, c'est encore moi. Il me restait une petite question : Pourquoi se demande-t-on toujours pourquoi ?

La boite à questions

Voilà la question sans fin : car on pourrait tout aussi bien vous demander « Pourquoi vous demandez-vous pourquoi on se demande toujours pourquoi ? »

Et nous en serions quitte pour nous séparer fâchés…

Heureusement, Docteur-Philo a de l’aide : Arthur Schopenhauer vous a entendu et vous a répondu dans son célèbre ouvrage Le monde comme volonté et comme représentation (1434 pages aux PUF). D’ailleurs, voyez l’extrait en annexe.

Je résume ? Alors voilà :

- l’homme dit Schopenhauer est un animal métaphysique, ce qui veut dire qu’il recherche le pourquoi des choses, de toutes les choses.

Ça veut dire :

1 – qu'il est métaphysique parce que c'est la question de l’origine première des choses qui l’intéresse (exemple : « pourquoi y a-t-il des hommes sur terre plutôt que pas d’hommes du tout »), et non le « comment » des choses (exemple : « comment fait-on des enfants ») ;

2 – que si on parle d’animal métaphysique, c’est pour dire que c’est un instinct, que c’est dans la nature humaine, bref, qu’il n’y a pas à demander pourquoi, parce que tout simplement si ce n’était pas comme ça, il n’y aurait plus d’homme. D’ailleurs Schopenhauer écrit que moins on est intelligent, et moins on se pose de questions.

Mais ça, vous le saviez déjà, n’est-ce pas ?

- Peut-on me reprocher de me débarrasser de la question en disant : c’est comme ça, y a rien à demander, circulez, y a rien à voir ?

Peut-être, mais alors il faudra trouver mieux comme réponse. Parce que, ce sur quoi nous tombons ici, c’est sur une cause première (c’est pour cela qu’on parle de métaphysique), c’est à dire sur ce qui donne du sens au phénomène évoqué. Si les petits enfants demandent toujours et obstinément « Dis, pourquoi… », c’est qu’ils cherchent à comprendre le sens de ce qu’ils voient, et pas forcément pour s’amuser de l’embarras des adultes.

Annexe.
« Excepté l'homme, aucun être ne s'étonne de sa propre existence, c'est pour tous une chose si naturelle qu'ils ne la remarquent même pas. (…)
L'homme est un animal métaphysique. Sans doute, quand sa conscience ne fait encore que s'éveiller, il se figure être intelligible sans effort ; mais cela ne dure pas longtemps : avec la première réflexion se produit déjà cet étonnement qui fut pour ainsi dire, le père de la métaphysique. C'est en ce sens qu'Aristote dit au début de sa Métaphysique : « car c'est l'émerveillement qui poussa les hommes à philosopher ». De même, avoir l'esprit philosophique, c'est être capable de s'étonner des événements habituels et des choses de tous les jours, de se poser comme sujet d'étude ce qu'il y a de plus général et de plus ordinaire, tandis que l'étonnement du savant ne se produit qu'à propos de phénomènes rares et choisis, et que tout son problème se réduit à ramener ce phénomène à un autre plus connu. Plus l'homme est inférieur par l'intelligence, moins l'existence a pour lui de mystère. Toute chose lui paraît porter en elle-même l'explication de son comment et de son pourquoi. Cela vient de ce que son intellect est encore resté fidèle à sa destination originelle, et qu'il est simplement le réservoir des motifs à la disposition de la volonté ; aussi, étroitement lié au monde et à la nature, comme partie intégrante d'eux-mêmes, est-il loin de s'abstraire de l'ensemble des choses, pour se poser ensuite en face du monde et l'envisager ensuite objectivement, comme si lui-même, pour un moment au moins, existait en soi et pour soi. Au contraire, l'étonnement philosophique, qui résulte du sentiment de cette dualité, suppose dans l'individu un degré supérieur d'intelligence, quoique, pourtant ce n'en soit pas là l'unique condition : car sans doute, c'est la considération des choses de la mort et les considérations de la douleur et de la misère de la vie qui donnent la plus forte impulsion à la pensée philosophique et à l'explication philosophique du monde. Si notre vie était infinie et sans douleur, il n'arriverait à personne de se demander pourquoi le monde existe et pourquoi il y a précisément telle nature particulière ; mais toutes les choses se comprendraient d'elles-mêmes. (…)
Selon moi, la philosophie naît de l'étonnement au sujet du monde et de notre propre existence, qui s'imposent à notre intellect comme une énigme dont la solution ne cesse dès lors de préoccuper l'humanité. »

Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Avec tout le respect que je porte à Schopenhauer, dans ce texte je le trouve plus poète que philosophe. J'ai l'impression qu'il déclame dans le vent en ce sens qu'il ne répond absolument pas à la question.
Enfin peut-être ne me demande-je (quelle belle formulation) pas assez pourquoi justement ?
Comme vous le dites-vous même, il faudra trouver mieux. Au passage je crois que c'est le seul sujet que je connaisse auquel il semble que personne n'a apporté de vraie réponse. Mais peut-être y en a-t-il d'autres...

Jean-Pierre Hamel a dit…

Je crois que la réponse à votre question est toute simple, et que c’est pour cela qu’elle vous mécontente.
--> Que signifie en effet le mot « pourquoi » dans la question « dis-moi pourquoi ? ».
Ça signifie je suppose : « à quoi ça sert ? », autrement dit, « dans quel but, dans quel projet ? ». Et donc : « Qui a voulu ça ? ».
- Ça, c’est le niveau haut de la question : vous débouchez sur la réponse : parce que c’est Dieu qui l’a voulu.
- Le niveau bas, c’est l’indication de la signification, sans mention de l’auteur. C’est à peu près le niveau philosophique.
Par rapport à ça, Schopenhauer ajoute que chez l’homme au moins, cette quête de sens se tourne vers lui-même. Je reconnais que ce n’était pas exactement votre question, même si le développement de Schopenhauer est dans la lignée de ce que j’écris ici.

Anonyme a dit…

Je crois bien que j'ai réussi à vous suivre cette fois.

J'ai eu un cours sur l'émotionnel et la symbolisation aujourd'hui que providentiellement je pense à propos. En s'appuyant sur la théorie du Grand Autre de Lacan et celle d'Hegel et sa question de l'idée, le prof expliquait brièvement que notre recherche de sens repose sur notre altérité, notre incomplétude (l'être humain étant un néotène). En fait, notre manque d'autrui serait l'impulsion qui nous pousse à aller voir au-delà de nous-même et quand l'émotionnel vient à tarir, à faire appel à un tiers à travers la symbolisation (rechercher du sens donc). Je pense qu'il pourrait être intéressant de creuser aussi de ce côté là.
Voilà, j'espère que vous avez réussi à suivre mes explications malhabiles.

Jean-Pierre Hamel a dit…

...notre recherche de sens repose sur notre altérité, notre incomplétude (l'être humain étant un néotène). En fait, notre manque d'autrui serait l'impulsion qui nous pousse à aller voir au-delà de nous-même et quand l'émotionnel vient à tarir, à faire appel à un tiers à travers la symbolisation (rechercher du sens donc).

Bien dit !