mercredi 27 août 2008

Une utopie prône t-elle forcément le bien?

Une pareille question ne peut s’aborder qu’à partir d’une définition un peu précise.
Je vous livre les définitions relevées dans le TLF :
UTOPIE :
- 1 - Plan imaginaire de gouvernement pour une société future idéale, qui réaliserait le bonheur de chacun.
- 2 - P. ext. Système de conceptions idéalistes des rapports entre l'homme et la société, qui s'oppose à la réalité présente et travaille à sa modification.
- 3 - Gén. au plur. Idées qui participent à la conception générale d'une société future idéale à construire, généralement jugées chimériques car ne tenant pas compte des réalités.
- 4 - Au fig. Ce qui appartient au domaine du rêve, de l'irréalisable.
Au premier coup d’œil, on voit que le sens 4 est à exclure du champ de votre question : l’irréalisable et le rêve ne prônent rien du tout, et quand cela serait on ne voit pas qu’est-ce qui pourrait en fixer la valeur.
Les trois autres sens tournent autour de la question de la réforme de la société mettant l’accent sur le souhaitable et non sur le réaliste.
Tel quel on se dit : bon, si on se donne le mal d’imaginer une société idéale, pourquoi diable ne serait-elle pas conçue comme parfaitement bonne ?
--> En réalité, le problème se pose vraiment quand on s’attache au sens 1 et qu’on cherche des exemple de sociétés idéales : au choix, la Cité platonicienne, l’Utopie de Thomas More, la Cité du Soleil de Campanella, le Phalanstère de Fourrier, et puis tous les modèles déclinés dans les œuvres de S.F. que vous voudrez.
Alors : vous aimeriez vivre là-dedans, vous ?
Si ces utopies sont bonnes, elles le sont absolument ; entendez qu’elles sont en parfait équilibre, et si des conflits naissent, ils ne peuvent qu’opposer les Utopiens (je prends ici l’exemple de More) à leurs méchants voisins. Ce parfait équilibre ne peut s’obtenir qu’en produisant une espèce d’hommes homogène à l’organisation politique et sociale, des gens complètement normalisés, chez les quels même les passions ont des fonctions sociales essentielles et prévisibles (Platon, Fourrier).
Vous m’avez compris : une utopie ne peut que prôner le bien, mais c’est justement pour ça qu’il faut ne surtout pas la réaliser.
Voyez le mal que les révolutions idéologisées (marxistes en particulier, mais le nazisme aussi était une utopie) ont pu faire.


N.B. Je considère – peut-être à tort – que les entreprises pour créer des villes « utopiques », comme Auroville, n’ont pu subsister qu’à condition d’abdiquer une partie de leurs prétentions. Mais peut-être ce qui reste n’aurait jamais pu être sans celles-ci.

1 commentaire:

Virginie a dit…

Votre démonstration est brillante! J'ai une autre question : existe t-il une conscience commune objective du bien? ou n'y a t-il en fait que plusieurs consciences subjectives du bien qui se ressemblent mais dont les minuscules différences font que la réalisation parfaite du bien est impossible?