mardi 12 août 2008

Où est la limite entre la vie privée et la vie publique ? (Suite)

Je me demandais quelle est la limite entre la vie privée et la vie publique.

Est-il légitime de violer l’intimité des individus pour protéger la communauté ? Y a-t-il une limite juridiquement infranchissable entre vie privée et vie publique ?

Notre correspondant de la Boite à questions souligne que les progrès des techniques rendent de plus en plus virulente cette question. J’acquiesce à cette remarque, et j’ajoute que la CNIL, par son existence même, atteste de l’urgence de soumettre à la vigilance des citoyens les avancées dans ces domaines.
--> Autrement dit : on a fait sauter des bornes techniques ; est-ce une raison pour faire sauter aussi les bornes juridiques ?


Partons de quelques définitions. (Source : Gérard Cornu – Vocabulaire juridique (PUF))

- Public : de publicus, qui concerne le peuple.

Sens 1 : Est public ce qui concerne l’ensemble des citoyens (par opposition à ce qui n’est qu’individuel)

Sens 2 : Egalement, public se dit de ce qui est d’ordre général et supérieur (par opposition à ce qui est privé, particulier). Public est alors pris au sens de ce qui répond aux besoins de tous – cf. bien public, instruction publique, etc.

- Vie privée : sphère de l’intimité de chacun.

Par opposition à la vie publique, la vie privée est ce qui, dans la vie de chacun, ne regarde personne d’autre que lui et ses intimes (s’il n’a consenti à le dévoiler) : la vie familiale, conjugale, sentimentale, la face cachée de son travail ou de ses loisirs, etc.

- Comme on le voit, il n’y a aucune difficulté particulière à définir la frontière qui sépare la vie privée de la vie publique. Seulement, cette frontière n’est pas infranchissable : on peut choisir de divulguer sa vie privée personnelle (ce qu’a fait Notre-Président) ; l’autorité publique (pour ne rien dire des médias) peut aussi prendre connaissance de notre vie privée, voire même la dévoiler, par exemple dans un but de sécurité publique.

L’ambiguïté des rapports privé/public vient donc de la dualité de sens du mot « public ».

Car si, comme on vient de le dire, la distinction public/privé ne fait aucune difficulté, en revanche, la mise à disposition de tous (= public au sens 1) de la vie privée en raison de l’intérêt public (= public au sens 2) peut se discuter.

Deux observations :

- D’abord, la violation de la vie privée, apparaît – à tort ou à raison – comme le comble de l’abus de pouvoir (1). Les écoutes téléphoniques de l’Elysée (du temps où Mitterrand voulait protéger l’anonymat de Mazarine) l’atteste. On ne saurait donc traiter cette question comme on traite la question de la liberté individuelle dans les conduites à risque (comme prendre le risque de rouler sans ceinture).

- Ensuite, si l'on admet la violation de la vie privée pour des raisons majeures (les écoutes téléphoniques pour arrêter des terroristes), reste à dire s’il y a des limites que personne ne doit franchir, quelles que soient les justifications.

La solution à notre problème consisterait à dire que cette limite doit exister, mais que, pour paraphraser la déclaration des droits de l’homme, seule la loi peut fixer ces limites. Et participer à un débat sur l’élaboration d’une telle loi, c’est ça être un citoyen.


(1) Voir à ce propos le roman de Georges Orwell – 1984.

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