jeudi 28 août 2008

Faut-il détruire la demeure du chaos ?


(Merci à Alexandre de nous signaler cette œuvre dont j’ignorais jusqu’à l’existence. voici les liens qu’il nous propose pour nous éclairer : Photos / Wikipédia / Visite virtuelle / Reportage envoyé spécial)

Quelques questions pour orienter la réflexion :

1 – Question esthétique :

La demeure du chaos est-elle une œuvre d’art ?

Si oui,

2 – Questions juridiques :

- doit-elle être protégée par un statut spécial ? (celui d’œuvre d’art justement)

- peut-on imposer la présence d’une telle œuvre à ceux qui ne veulent pas la voir ?

3 –Questions philosophiques :

- De quel chaos s’agit-il ?

- La liberté de l’artiste est-elle une liberté d’un genre spécial qui l’affranchirait du respect de certaines lois ?

Sur la question 1, je dirai que la définition de l’oeuvre d’art est si controversée, qu’on ne peut la trancher qu’à partir du discours qu’on tient sur elle :

--> l’oeuvre d’art est ce dont on peut dire quelque chose qui ressemble à de la critique d’art.

--> Subsidiairement, l’oeuvre d’art est ce qui ébranle l’affectivité (mais là je suis un peu sceptique : il y a des gens pour s’émouvoir devant un nain de jardin)

Sur la question 2, je suis un peu court également : je crois savoir que les lois nous interdisent d’envahir l’espace public sans autorisation spéciale, quelqu’en soit la cause. Mais par ailleurs, on ne dirait pas que les occupants de la demeure du chaos le fassent. Quand aux règles d’urbanisme, elles sont bien sûr contraignantes, mais il est notoire que certains les contournent sans être beaucoup inquiétés.

Reste qu’il est de règle que l’œuvre d’art dérange, et que la police soit toujours du mauvais côté.

Sur la question 3, je dirai que je suis un peu plus à l’aise :

- d’abord, observons que le chaos n’est pas celui de la Bible : il ne s’agit pas du chaos initial, celui d’où le monde a été tiré, mais d’un chaos final, résultant de la destruction violente du monde.

Par ailleurs, je retrouve dans ce que j’aperçois des œuvres proposées la même intuition que dans les films de survivors des années 70 où le monde ravagé par une guerre atomique et/ou une catastrophe écologique n’est plus qu’un champ de ruines parcouru par des humains grisâtres et hagards, revenus à la violences des hordes primitives.

Ici, le thème de la violence est exploité bien entendu du point de vue de la dénonciation de l’injustice vis-à-vis des plus faibles (l’image du calvaire), mais plus encore du point de vue de la destruction de l’humanité par elle-même (carcasses d’avions, appel à la cruauté).

C’est donc la peur récurrente de la dégénérescence et du retour à la primitivité, avec toutefois un thème nouveau : celui du terrorisme (Ground zero) qui propose une apocalypse d’un genre un peu particulier puisqu’il ne s’agit pas de l’œuvre de l’humanité entière, ni de celle d’une Nation, mais d’un groupe humain. Ce qui souligne la montée en puissance des capacités de destruction offertes aux hommes

- Sur la liberté de l’artiste, le débat n’est pas près de se refermer : Rimbaud et Verlaine ; les provocations des surréalistes, etc., nous ont donné à croire que l’indice de l’art est précisément de produire du chaos. D’innombrables œuvres, exposées dans les galeries d’art moderne se contentent de ça.

Hélas.

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