samedi 17 janvier 2009

La paix perpétuelle est elle une utopie ?


Pourquoi l'Homme ne peut-il vivre en paix indéfinitivement ?

La boite à question.

Indéfinitivement… J’accepte le mot, même s’il n’existe pas au dictionnaire. Car il est la contraction de définitivement et d’indéfini, contraction qui laisse indécise la question de savoir si une paix sans fin serait en plus définitive, c'est-à-dire validée par un Traité indestructible.

D’abord, remarquons que nous ne savons pas si l’humanité ne vivra pas en paix un de ces jours – en paix à tout jamais, pour autant que sa cause aurait été éradiquée. Après tout l’avenir dure longtemps, et il peut y arriver beaucoup de choses.

Reste à se pencher sur le passé et à rechercher les causes de la guerre afin si possible d’y remédier.

- Certains ont pensé que la nature humaine était violente et que cette espèce n’avait pu se fixer et prospérer sur terre qu’au mépris de son environnement et d’elle-même. Les singes ont des espèces belliqueuses et des espèces pacifiques. C’est comme ça.

Bon, je ne vois pas en effet de raison d’en douter, sauf que la violence n’est pas forcément la guerre, et que beaucoup ont songé – et songent encore – à créer un dérivatif violent à la violence afin de la pousser vers autre chose que la guerre. Ce ne sont pas les adeptes de certains jeux vidéo qui me contrediront. Seul le sage stoïcien est en paix avec lui-même et avec les autres. Mais sa vertu est presque surhumaine…

- Les motifs politiques (acquérir le pouvoir que d’autres possèdent) ou économique (accaparer leurs richesses) paraissent également déterminants. Une paix perpétuelle ne pourrait exister qu'à condition que des intérêts supérieurs obligeant à renoncer à la violence se manifestent


--> Je laisse à mes lecteurs le soin de découvrir s’ils ne les connaissent déjà, les ouvrages de

- l’Abbé de Saint-Pierre – qui imagine au début du XVIIIème siècle établir définitivement la paix en Europe grâce à un organisme politique supra-national ;

- Kant dont le projet de paix perpétuelle (si bien commenté ici) aurait inspiré l’idée de Société des Nations.

Dans les deux cas, les politiques contradictoires et les intérêts privés sont simplement mis sous la tutelle d’un pouvoir supérieur, sorte de gouvernement du monde.

Toutefois, il est à noter que les arbitrages rendus par cet organisme supra-national doit lui-même être doté de la force qui l’on veut qu’il soit respecté. Ce qui nous a donné le spectacle étrange d’une armée – Les casques bleus – décorée du prix Nobel de la paix…

Si donc on arrive un jour à la paix perpétuelle ce sera grâce à une menace de guerre perpétuelle.

--> Dernière remarque : les philosophes n’ont pas manqué qui considèrent la guerre comme une heureuse disposition de l’humanité, et qui estime qu’une paix perpétuelle la conduirait àç sa dégénérescence.

Voir par exemple ici.

jeudi 15 janvier 2009

Faut-il acheter un GPS ?

Docteur-Philo n’a pas trouvé de GPS au fond de sa besace. Par contre il y a trouvé une philosophie du chemin. Plusieurs même, c’est ça qui est important.

1 – Commençons par Jésus :

Je suis le chemin, la vérité et la vie

Paroles de Jésus – Evangile de Jean 14,1-6 (1)

Tous les chemins se ressemblent, mais ils ne vont pas tous à Rome.

--> Pourtant aucun GPS n’est nécessaire pour trouver son chemin, le Chemin de la Vérité. Suivez Jésus, il est là pour vous le montrer.

2 – Ce qui importe dans le chemin, c’est le choix.

[…] les voyageurs qui, se [trouvent] égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant, tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, ni encore moins s’arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu’ils peuvent vers un même côté, et ne le changer point pour de faibles raisons, encore que ce n’ait peut-être été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir […]

Descartes – Discours de la méthode – 2ème partie

L’hésitation est incompatible avec la volonté de suivre un chemin. Le choix d’un chemin même fait au hasard est essentiel pour qu’il accomplisse sa fonction qui est de nous mener quelque part.

--> Le GPS est un moyen utile pour évier de changer d’option en cours de route (sauf quand il vous dit : « Faites demi-tour dès que possible »)

3 – Si le choix est le principal, alors abandonnons l’idée de chemin :

Il y a un but, mais pas de chemin ; ce que nous nommons chemin est hésitation.

Franz Kafka

Pour Kafka, le chemin n’est que l’attention que nous prêtons à ce qui est sous nos pieds, et si nous n’étions attentifs qu’au but poursuivi, il n’existerait même pas. Un peu comme les passagers de l’autoroute qui ne voient même pas le décor.

--> Laissez tomber le GPS, et prenez exclusivement des autoroutes.

4 –

Chacun suit son propre chemin, mais dans la même forêt. Souvent il apparaît que l’un ressemble à l’autre. Mais ce n’est qu’une apparence.

Bûcherons et forestiers s’y connaissent en chemins. Ils savent ce que veut dire : être sur un Holtzweg, sur un chemin qui ne même nulle part.

Heidegger – Chemins qui ne mènent nulle part (Holzwege) - Exergue

Enfin, ne l’oublions pas, Heidegger a titré l’un de ses ouvrages Holzwege, que nous traduisons tant bien que mal par Chemins qui ne mènent nulle part (1). Il s’agit de ces chemins de forêt qui se dessinent dans le sous-bois, et qu’on prend sans savoir s’ils ne vont pas s’effacer et disparaître sans qu’on sache pourquoi. Ils symbolisent, pour Heidegger – et pour autant que je l’aie compris – cet égarement sans le quel nous ne saurions atteindre la vérité dans son retrait. Si le chemin est l’expression de notre désir de vérité, nous devons savoir qu’en réalité il n’y a pas de chemin déjà tracé, déjà là pour atteindre notre but.

--> Alors, si la philosophie est l’embarras des questions, elle est aussi celui des réponses.

La mienne, vous l’avez peut-être déjà devinée est plutôt du côté de Heidegger.

Éteignez les GPS


(1) Ce qui est une interprétation. En fait Holzweg est à peu près équivalent du français layon.

vendredi 9 janvier 2009

Comment lutter contre le vieillissement ?


"Etre vivant jusqu'à la mort"

Paul Ricœur

Entretien La croix, 26/02/2003

« - Comment abordez-vous ce cap des 90 ans que vous allez franchir ?

- P. Ricœur : Je le vis tranquillement. Ce que j'ai pensé sur la mort, je l'ai écrit dans La Critique et la conviction. La phrase qui m'accompagne toujours, c'est "Etre vivant jusqu'à la mort". Les dangers du grand âge sont la tristesse et l'ennui. La tristesse est liée à l'obligation d'abandonner beaucoup de choses. Il y a un travail de dessaisissements à faire. La tristesse n'est pas maîtrisable, mais ce qui peut être maîtrisé c'est le consentement à la tristesse. Ce que les Pères de l'Eglise appelaient l'akedia. Il ne faut pas céder là-dessus. La réplique contre l'ennui, c'est d'être attentif et ouvert à tout ce qu'il y a de nouveau. C'est ce que Descartes appelait l'admiration, qui est la même chose que l'étonnement. Personnellement, arrivé à ce cap, je reste capable d'admirer. »

L'impatient

- Il y a des impatients bouillonnant, des impatients par excès de vitalité. C’est l’impatience que l’on attribue à la jeunesse, aux insouciants, à ceux qui par étourderie font comme le valet dont parle Descartes, qui part avant de savoir de qu’il doit chercher. Ces impatients sont propulsés dans l’action par le désir d’agir ; ce sont des hyperactifs, qui cherchent le mouvement perpétuel. Ils ne se déterminent pas du tout par le désir d’en avoir fini avec leur entreprise.

- Mais il y a aussi des impatients qui eux sont effectivement déterminés par ce désir d’en avoir fini. Ce sont des angoissés, des impatients obsédés par la crainte de l’échec. Pour ceux-là, voir apparaître l’issue de leur entreprise, c’est arriver à bonne fin, être sûr de la réussite – ou de l’échec, mais pour eux l’échec avéré est moins inquiétant que l’échec redouté. - L’impatience de ces obsessionnels de l’avenir (réussite ou échec), c’est le désir de dévorer le temps, d’être déjà dans l’avenir, non pas forcément pour y jouir de circonstances bienheureuses, mais pour abolir l’attente du résultat.

L’impatience est donc une angoisse de l’avenir qui nous porte à désirer être au-delà de cet avenir – ou ce qui est plus intelligible, être au-delà de la période correspondant à l’entreprise engagée.

- Or comme le souligne Bergson, cette durée à venir n’est autre que la durée présente, puisque aussi bien cet avenir n’a de sens que par rapport à l’action, c’est-à-dire au passé récent et à l’avenir imminent.

L’angoisse du présent est donc aussi l’origine de l’impatience

Comme le dit Pascal,

« Le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre. » Pensées, [Éd. Brunschvicg, 121]

Ici, l’angoisse prend la forme du divertissement, excès d’activité par le quel nous oublions notre misère métaphysique (le pécher) ; on voit que l’impatience n’est ici plus du tout un trait de caractère ou une donnée du tempérament. C’est la recherche d’un moyen parmi d’autres – puisque le divertissement ne prend pas nécessairement cette forme - de nous détourner de nous mêmes.

Il y a donc plusieurs formes d’angoisses.

La quelle est la plus authentique ?