dimanche 29 juin 2008

Comment dire non ?

J’ai un défaut, je ne sais pas dire non. Quoiqu’on me demande, c’est toujours par « oui » que je réponds, même si je sais en même temps que je le regretterai un peu plus tard.

Par e-mail

Une fois n’est pas coutume, Docteur-Philo va vous répondre en citant un texte : celui de Balthasar Gracián

« On aime quelquefois mieux un Non qu'un Oui : un Non assaisonné contente plus certains caractères qu'un Oui sec. Il y a bien des gens qui ont toujours dans la bouche, non ; non est toujours la première réponse à ce qu'on leur demande : quoiqu'ils accordent après cela on ne leur en a point d'obligation, à cause du désagrément que l'on a d'abord essuyé. Il ne faut point brusquer un refus, mais disposer peu à peu à ne rien prétendre : il ne faut pas non plus refuser tout ; ce serait soustraire les gens à la dépendance. Qu'on laisse toujours quelque espérance pour l'avenir, laquelle adoucisse la tristesse d'un refus : que l'on substitue une manière honnête à la place de la chose que l'on n'accorde pas ; et que de bonnes paroles suppléent au défaut des effets. » Baltasar Gracián - Maximes (1730) - Maxime LXX Savoir refuser

Bon, j’aimerais n’avoir rien à dire de plus. Mais comme je sais que lire un texte est souvent jugé plus difficile que d’observer son application, je vous prie d’observer le comportement de nos ministres.

Vous vous plaignez cher correspondant de ne pas savoir dire non ? Hé bien, rassurez-vous, nos ministres non plus. Quelque soit la requête qu’ils reçoivent, on peut être sûr d’une chose : ils ne diront pas non. Ils vont valoriser les plaignants, souligner leur mérite, agréer à leur demande ; oui, agréer, dans le principe ; et c’est là qu’il faut relire Gracián : il faut disposer à ne rien prétendre, et laisser de l’espoir. Voyez comment sont manœuvrés les pécheurs, les camionneurs, les agriculteurs, etc. : le prix du carburant est un fait mondial, le gouvernement n’y peut rien ; et même il faut bénir ces hausses qui nous forcent à modifier notre comportement pour le profit de la planète. Mais qu’ils ne désespèrent pas, des mesures européennes – les seules possibles – ne tarderont pas à être trouvées.

Maintenant, votre problème est peut-être plus grave : non seulement vous ne savez pas dire « non » ; mais de plus vous répondez toujours « oui ».

Pourquoi faites-vous ça ? Pour vous débarrasser de votre interlocuteur, ou bien parce que vous croyez lui plaire en faisant ça ? Parce que si c’est le cas, alors là encore Gracián vous avertit : « un Non assaisonné contente plus certains caractères qu'un Oui sec ». En répondant oui, vous décontenancez votre interlocuteur qui s’attendait à ce qu’on discute avec lui. Avez-vous réfléchi à la situation du marchandage ? Le marchandage, c’est la négociation, le juste prix n’est jamais fixé dans l’abstrait, il dépend toujours d’un rapport personnel entre vendeur et acheteur. Il faut d’abord refuser le prix demandé pour entrer dans la négociation.

Dites-vous donc que répondre non, c’est entrer dans la négociation, et non refuser de considérer le demandeur. Et d’une certaine façon, c’est en lui répondant oui que vous éviterez sa rencontre, et donc que vous lui déplairez.

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