mercredi 18 juin 2008

Peut-on désirer sans souffrir ?

Bac série Es – Session juin 2008 - Sujet de philosophie

Docteur-Philo n’est pas candidat au bac, il n’en n’est pas non plus un correcteur.

Mais Docteur-Philo répond à des interrogations qu’on lui pose… ou qu’on devrait lui poser.

Comme par exemple : « A quoi ça sert des questions comme ça ? Supposons que je désire des fleurs. Je me fais offrir un bouquet, ou si personne ne le peut, je m’en achète un. J’aime les fleurs, et je ne souffre pas de les avoir désirées. » (Réponse d’une maman de candidat lors d’un micro trottoir à la sortie d’une salle d’examen).

Alors, on pourra toujours rétorquer qu’une fois qu’on a mis les fleurs dans un vase, à supposer qu’on soit heureux avec ça, on doit encore être inquiet : elles vont se faner. Désirer les fleurs, c’est aimer les avoir toujours chez soi. Donc désirer, c’est s’exposer à la tristesse de perdre ce qu’on aime (même chose avec votre chien ou votre chat, même chose avec votre femme ou vos parents). Celui qui n’aime rien souffre-t-il donc moins ?

Voilà : la question méritait d’être posée, mais pour cela il fallait accepter de voir le problème là où l’on ne voyait que sa solution : le rôle de la philosophie n’est pas de dissiper les angoisses, mais d’abord de les nommer, de les décrire sans peur ni sans obscurités. Docteur-Philo ne distribue pas d’anxiolytiques.

Maintenant, il est vrai que tout une tradition philosophique fait du désir une source de souffrance, et de la sagesse un art d’éviter de désirer. Comme Socrate, traversant le marché d’Athènes et disant : « Que de choses dont je n’ai pas besoin ».

Dans notre belle société de consommation, Socrate n’est plus notre héros. On lui préfèrerait plutôt Descartes.

Pour désirer sans souffrir, écoutez Descartes « Changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde » conseillait-il dans sa morale : notez le changement, puisqu’on ne vous conseille plus de supprimer le désir, mais simplement de l’adapter à l’ordre du monde. Voilà, il ne vous reste plus qu’à appliquer le conseil (à condition bien sûr d’oublier que la maxime cartésienne est d’abord une maxime stoïque – voir le texte en annexe).

--> Vous les mamans, qui rêvez de voir votre tendre progéniture vous sauter au cou dès le matin, et vous remercier d’exister – oui, simplement d’exister – comment allez vous faire ? Votre désir pour être en accord avec l’ordre du monde, ce sera que vos charmants bambins pensent à vous en allant chez Darty ou Séphora.

Ou alors achetez-vous des fleurs en imaginant que vos enfants y ont pensé mais qu’ils n’ont pas en le temps de le faire… Des roses blanches pour leur jolie maman !

*********************

« Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde, et généralement de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées, en sorte qu'après que nous avons fait notre mieux touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est au regard de nous absolument impossible » Discours de la méthode 3ème partie

Aucun commentaire: