mercredi 28 mai 2008

Comment réussir sa vie ?

Cette semaine, Docteur-Philo a répondu dans une interview d’Henri Kaufman, le célèbre auteur des Clefs pour le succès à la question :

Comment réussir sa vie en 7 conseils.

Si vous voulez vérifier que vous faites bonne route, cliquez ici.

vendredi 23 mai 2008

Que faire pour rester jeune ?

Je m’adresse à vous Docteur-Philo parce que j’ai lu quelque part que pour rester jeune il suffit de mourir jeune. Auriez-vous quelque chose de moins idiot – ou de moins cynique – à répondre ?

Anonyme – Par e-mail

Je vais vous dire quelque chose : moi, Docteur-Philo, quand le matin dans ma salle de bains, je peigne soigneusement ma longue barbe blanche, je me dis : « Heureusement que je ne suis plus jeune ! ». Nos maîtres, de Platon à Descartes ont dénigré la jeunesse, âge de l’incertitude, de la naïveté, de l’erreur. Quand aux théologiens ils n’ont pas arrêté de dénoncer les horribles péchés dont elle est grosse. Et même Freud : « l’enfant est un pervers polymorphe »…

Mais pour vous être agréable, je vais essayer de vous répondre.

--> D’abord, voyez-vous, il faudrait qu’on sache quelle jeunesse vous souhaitez conserver : celle de vos 10 ans ? Ou de vos 20 ans ? Ou encore vos 30 ans ?

La meilleure façon de garder la jeunesse de ses 10 ans, c’est de faire des enfants et leur piquer leurs jouets sous prétexte de jouer avec eux. C’est plus difficile aujourd’hui où les consoles de jeux ont remplacé le train électrique, mains avec un peu de volonté, vous y arriverez, j’en suis sûr.

La même stratégie s’impose pour garder vos 20 ans : attendez donc que vos enfant aient cet âge, et arrangez-vous pour vous insinuer dans la communauté qu’ils vont former avec leurs copains – et leurs copines, oui, je vous vois venir…

Les 30 ans, pas de problème : avec la salle de gym, plus une maîtresse un peu stimulante, je suis certain ça va le faire.

--> Maintenant que je vous ai répondu, à vous de me répondre : quel âge avez-vous ? Votre jeunesse, qu’est-ce qu’elle vous a apporté que votre âge vous interdit ?

Hein ? Malgré la maîtresse stimulante, du Viagra, du Cialis et compagnie, vous manquez de ressort ? Désolé pour vous, mais après tout : est-ce que c’est si important que ça ? Ce que je voudrais vous faire comprendre, c’est que ce qui dans votre jeunesse était important ne l’est peut-être plus pour vous aujourd’hui. Et que ce qui est important aujourd’hui, c’est peut-être quelque chose qui reste malgré tout à votre disposition. Voyager, admirer à deux un coucher de soleil, tomber amoureux (même si Eros a pris un peu d’embonpoint), faire une fête avec des amis : c’est à la portée de tout le monde, pour peu qu’on s’en donne la peine.

Moi je sais bien ce que vous désirez retrouver avec la jeunesse : c’est l’insouciance. Si vous vous sentez vieux, c’est qu’à chaque projet, peut-être même à chaque acte de votre vie, vous sentez la mort – votre mort – qui rôde, qui passe sur l’horizon comme un nuage sur le soleil.
J'exagère? Y a pas mort d'homme? Bon, bon. Disons alors si vous voulez qu'il y a déperdition de quelque chose de substantiel, et voilà tout.

Bref : vous voulez rester jeune : oubliez que vous êtes vieux.

mercredi 14 mai 2008

La Culture, ou la culture physique ?

Quand on favorise le savoir, n'en vient-on pas à négliger le corps ?

La Boite à questions

« Je te demande une abeille et tu me donnes un essaim » dit Socrate à Ménon ; et ici pour une question posée, combien de questions supposées ?

Car comment répondre à la question quand elle en implique 4 ou 5 préalables ? S’agit-il d’une gestion du temps ? S’agit-il d’évoquer les différentes complexions du corps supposées à l’œuvre dans ces différents exercices ? Faut-il s’attendre à ce qu’on se réjouisse ou qu’on se désole de ne pouvoir gagner sur tous les tableaux ? Ou au contraire faut-il juger d’après le principe de Juvénal « Mens sana in corpore sano » ? Ou mieux : «Mens fervida in corpore lacertoso » : un esprit ardent dans un corps musclé. (1)

Bon… Docteur-Philo ne va pas se décourager pour si peu.

C’est vrai aujourd’hui on ne croit plus comme autrefois qu’il y a des gens dont la complexion physique est un facteur prédisposant aux études ; ou qui, au contraire, sont taillés pour l’exercice physique au point qu’il serait vain d’en espérer un jugement un peu fin. Mais avouons qu’il en reste un peu quelque chose.

--> En vérité, tout cela ne marche qu’à condition d’avoir un préjugé : celui que le corps et l’esprit ne « marchent » pas ensembles, et que même le développement de l’un – ou simplement son éminente qualité – entraîne la débilité de l’autre. Avons-nous réussi à dompter ce préjugé ? Pas tout à fait : voyez les préjugés sur les femmes : une belle femme est forcément une bimbo ; une femme super-diplômée est forcément une mochetée. Autrement dit, il ne s’agit même pas d’un choix de développement : il s’agit d’une opposition entre deux essences.
Sur ce point Docteur-Philo est droit dans sa toge : il ne croit pas qu’il y ait une muraille de Chine qui coupe l’homme en deux parties : d’un côté le corps, de l’autre l’esprit. L’exercice du corps favorise celui de l’esprit (de l’oxygène pour les petites cellules grises !) ; l’exercice de l’esprit affine l’activité du corps (comment « performer » sans une analyse intelligente des mouvements dans l’effort ?). La question qui reste est alors celle de la gestion du temps, qui est une question fort commune dans la vie quotidienne moderne.

--> Vous avez remarqué ? Docteur-Philo s’en prend aux préjugés des autres ; mais n’a-t-il pas lui-même quelques préjugés ? Par exemple, il fait comme si le souci du corps ne consistait exclusivement qu’en exercices hygiéniques. Et la sexualité alors, ce n’est pas un soin du corps peut-être ? Et ne me dites pas que c’est simplement hygiénique ! La sublimation, ça vous dit quelque chose ? Quand vous arrivez à vaincre une difficulté intellectuelle, n’avez-vous pas une sorte de jouissance qui vous dispense de chercher d’autres plaisirs ? No comment, comme dit Gainsbourg…

- Reste encore une autre question qui elle, n’a pas été posée : y a-t-il un rapport entre le type d’activité et le caractère ? La macération que s’impose l’intellectuel ne porte-t-elle pas à la tristesse ? « Réfléchir beaucoup et beaucoup s’affliger font survenir la mélancolie » écrit Rufus d’Ephèse (2). Mais qu’est-ce qui nous dit que ce n’est pas l’inverse, à savoir que c’est la mélancolie qui pousse à l’exercice intellectuel exclusif ?

Il faut bien qu’à quelque chose malheur soit bon !

(1) Sur l’harmonie corps-esprit, voir aussi ce lien

(2) Cité dans Saturne et la mélancolie – Klibansky-Panofsky-Saxl. Ouvrage passionnant à lire sur la plage cet été entre deux câlins séances d’entraînement au crawl.

lundi 5 mai 2008

Peut-on interdire d’interdire ?

Peut-on interdire d’interdire ?

Docteur-Philo a fait Mai-68. Il est donc particulièrement qualifié pour répondre à cette question.

Docteur-Philo commencera donc par éliminer les approches stériles du genre : « On ne peut interdire d’interdire, parce que cet interdit primitif devra bien sûr subsister ». Bien sûr qu’il est interdit de se contredire, mais ce qui est rejeté par les jeunes manifestants de Mai-68, c’est autre chose : ce sont tous les interdits dont on surchargeait la jeunesse de ce temps.

--> Mais enfin, une société sans interdits est-elle pensable ? Est-elle souhaitable ? Tout peut-il être permis ?

Deux réponses sont pensables : une faible, une forte.

- La réponse faible consiste à dire : sans interdits, la société est livrée à l’anarchie, les assassins et les violeurs seront à tous les coins de rues. Ainsi le Pape, je veux dire Pie IX, dans son Encyclique Quanta cura (8-12-1864) : « Là où la religion a été mise à l'écart de la société civile, la doctrine et l'autorité de la révélation divine répudiées, la pure notion même de la justice et du droit humain s'obscurcit et se perd, et la force matérielle prend la place de la véritable justice et du droit légitime. »

Du point de vue de Dieu il n’y a pas de différence entre la volonté populaire et l’anarchie,

- La réponse forte consiste à dire : quand bien même on aurait affaire à un « peuple d’anges » (Rousseau), une telle société ne serait pas viable, faute de repères, de balises, de lois organisant la vie collective. On serait dans l’anomie.

Qu’on me permette ici de citer notre excellent confrère, La Citation du jour, à propos de Durkheim (22-7-06) :

« Anomie » : quésaco ?

C’est un terme utilisé par Durkheim pour désigner l’absence de règles et de valeurs sociales. Il lui sert à montrer que l'affaiblissement des règles imposées par la société aux individus a pour conséquence d'augmenter leur insatisfaction et de provoquer leur « démoralisation ». Laissés à eux mêmes, ils jouissent d’une liberté strictement négative ; la liberté individuelle ne résultant que de l’affaiblissement de la société, elle ne révèle pas leur statut de sujet ; elle n’est donc que le symptôme de la désorientation de la volonté que rien ne peut compenser - rien et surtout pas la volonté de l’individu. Durkheim n’est donc vraiment pas un anarchiste… Mais ça, vous le saviez déjà. Mais les conséquences sont plus intéressantes.

La première conséquence, c’est que pour éviter cette démoralisation, pour avoir des aspirations, les règles sociales sont indispensables, il doit y avoir du défendu et de la répression sociale.

L’autre conséquence, c’est que si Durkheim et Dostoïevski ont raison, une société - et donc l’homme - a un besoin impérieux de religion, sous quelque forme que ce soit, autrement dit que la liberté entendue comme indétermination est catastrophique pour l’individu. Parce que la religion est la source absolue des règles sociales et des aspirations individuelles, parce que nous ne saurions vivre sans ces contraintes, alors nous devons humilier notre orgueil au pied de la croix. »

Retour à la question « Pouvons-nous nous passer de Dieu ». Je répondais "Une chose est sûre : nous avons besoin d'un Absolu qui jaillisse sur notre horizon."
Si – par exemple – l’Entreprise peut devenir un horizon absolu pour notre vie, alors pourquoi pas ?
Mais c'est précisément ce qui nous faisait tordre de rire, en Mai-68.