lundi 5 mai 2008

Peut-on interdire d’interdire ?

Peut-on interdire d’interdire ?

Docteur-Philo a fait Mai-68. Il est donc particulièrement qualifié pour répondre à cette question.

Docteur-Philo commencera donc par éliminer les approches stériles du genre : « On ne peut interdire d’interdire, parce que cet interdit primitif devra bien sûr subsister ». Bien sûr qu’il est interdit de se contredire, mais ce qui est rejeté par les jeunes manifestants de Mai-68, c’est autre chose : ce sont tous les interdits dont on surchargeait la jeunesse de ce temps.

--> Mais enfin, une société sans interdits est-elle pensable ? Est-elle souhaitable ? Tout peut-il être permis ?

Deux réponses sont pensables : une faible, une forte.

- La réponse faible consiste à dire : sans interdits, la société est livrée à l’anarchie, les assassins et les violeurs seront à tous les coins de rues. Ainsi le Pape, je veux dire Pie IX, dans son Encyclique Quanta cura (8-12-1864) : « Là où la religion a été mise à l'écart de la société civile, la doctrine et l'autorité de la révélation divine répudiées, la pure notion même de la justice et du droit humain s'obscurcit et se perd, et la force matérielle prend la place de la véritable justice et du droit légitime. »

Du point de vue de Dieu il n’y a pas de différence entre la volonté populaire et l’anarchie,

- La réponse forte consiste à dire : quand bien même on aurait affaire à un « peuple d’anges » (Rousseau), une telle société ne serait pas viable, faute de repères, de balises, de lois organisant la vie collective. On serait dans l’anomie.

Qu’on me permette ici de citer notre excellent confrère, La Citation du jour, à propos de Durkheim (22-7-06) :

« Anomie » : quésaco ?

C’est un terme utilisé par Durkheim pour désigner l’absence de règles et de valeurs sociales. Il lui sert à montrer que l'affaiblissement des règles imposées par la société aux individus a pour conséquence d'augmenter leur insatisfaction et de provoquer leur « démoralisation ». Laissés à eux mêmes, ils jouissent d’une liberté strictement négative ; la liberté individuelle ne résultant que de l’affaiblissement de la société, elle ne révèle pas leur statut de sujet ; elle n’est donc que le symptôme de la désorientation de la volonté que rien ne peut compenser - rien et surtout pas la volonté de l’individu. Durkheim n’est donc vraiment pas un anarchiste… Mais ça, vous le saviez déjà. Mais les conséquences sont plus intéressantes.

La première conséquence, c’est que pour éviter cette démoralisation, pour avoir des aspirations, les règles sociales sont indispensables, il doit y avoir du défendu et de la répression sociale.

L’autre conséquence, c’est que si Durkheim et Dostoïevski ont raison, une société - et donc l’homme - a un besoin impérieux de religion, sous quelque forme que ce soit, autrement dit que la liberté entendue comme indétermination est catastrophique pour l’individu. Parce que la religion est la source absolue des règles sociales et des aspirations individuelles, parce que nous ne saurions vivre sans ces contraintes, alors nous devons humilier notre orgueil au pied de la croix. »

Retour à la question « Pouvons-nous nous passer de Dieu ». Je répondais "Une chose est sûre : nous avons besoin d'un Absolu qui jaillisse sur notre horizon."
Si – par exemple – l’Entreprise peut devenir un horizon absolu pour notre vie, alors pourquoi pas ?
Mais c'est précisément ce qui nous faisait tordre de rire, en Mai-68.

Aucun commentaire: