jeudi 17 avril 2008

Pourquoi aime-t-on nos parents ?

Pourquoi aime-t-on nos parents quand ils nous rendent parfois si malheureux ?

La boite à questions.

Alors que l’amour s’entend habituellement comme un sentiment qui se nourrit de la réciprocité – aimer et être aimé – on constate que l’amour des enfants pour leurs parents ne répond pas à ce critère.

Tous ceux qui s’occupent de maltraitance infantile le savent bien : le drame c’est que mettre en prison les parents maltraitants est pour leur enfant une maltraitance de plus.

S’agit-il d’une expérience psychologique, liée au développement de l’enfant ? S’agit-il d’un sentiment plus élaboré, qui fait appel à la reconnaissance pour ceux qui leur ont donné le jour ? S’agit-il du respect d’un commandement religieux ?

1 - Que disent les philosophes (du moins, ceux que je connais) ?

- Aristote fonde l’amour filial sur une justice compensatoire : l’amour de l’enfant pour ses parents est très exactement proportionné à l’étendue de ses besoins satisfaits par ceux-ci. Ce qui signifie que les parents n’ont pas le devoir d’aimer leurs enfants autant que ceux-ci doivent les aimer.

--> Ceci répond à la question posée, puisque l’amour n’a pas à être un sentiment réciproque.

- Rousseau considère que l’amour filial (il ne distingue pas entre l’amour de l’enfant pour ses parents et l’amour des parents pour leur enfant) résulte d’un instinct naturel, strictement dépendant du contexte. Tant que l’enfant est trop faible pour survivre seul, l’amour pour lui, et venant de lui, est naturel. Dès que ses forces suffisent à sa survie, la famille se défait, chacun part de son côté, et si l’amour filial ou paternel subsiste, c’est désormais par habitude. (à noter qu’avec l’amour naturel disparaît l’autorité naturelle du père sur l’enfant.)

--> Ceci répond à la question : si nos parents nous rendent malheureux (= par exemple ne nous donnent pas à manger), alors il est temps de les quitter.

2 – Bon d’accord, ça va pas loin.

La question a été renouvelée avec l’éthologie. L’expérience de Konrad Lorenz est dans toutes les mémoires. Il montre que les petites oies cendrées, au sortir de l’œuf, vont suivre le premier être vivant venu, comme si c’était leur mère. Et ainsi Lorenz part vers la mare, suivi des oisillons, exactement comme s’il les avait couvées véritablement.

Et quand on transpose ça chez les primates, ça s’appelle l’attachement.

L’attachement est un besoin primaire présent chez tous ces animaux. Il n’est pas l’expression de la dépendance à l’égard de ceux qui vont satisfaire les besoins, ni encore moins de l’amour. L’attachement est un besoin de contact physique qui prime le besoin de nourriture – entendez qu’il se manifeste avant lui. Si l’on veut en faire une source de l’amour de l’enfant pour sa mère, alors il faut dire que celui-ci est l’aboutissement d’un besoin plus profond de relation à autrui, dans la mesure où celui-ci est lui-même issu de l’attachement.

--> On voit que si on reste attaché à nos parents, c’est que notre nature animale nous y détermine. Mais ce n’est pas du tout un sentiment ; le sentiment vient en quelque sorte se greffer là-dessus.

– Bon… Alors, moi je ne sais toujours pas si je dois continuer à offrir des fleurs à ma Maman pour la fête des mères ? Parce que, voyez vous, votre histoire de mare aux canards, je ne me sens pas trop concerné par ça.

3  Alors si vous y tenez, vous allez avoir droit à Freud…

Je vais pourtant vous épargner la théorie du corps morcelé et la libido orale créant la dépendance de l’enfant pour le sein maternel.

Je m’en tiendrai pour répondre à la question, à l’ambivalence des sentiments (affects). Selon Freud, l’inconscient ignore la négation, ce qui veut dire que des sentiments contradictoires ne s’anéantissent pas réciproquement, qu’ils ne se diminuent pas l’un l’autre.

Si cette ambivalence nous paraît impossible, c’est parce que la conscience impose un choix : ou tu m’aimes, ou tu m’aimes pas. Mais ça ne peut pas être les deux.

Mais si un sentiment « pur » d’amour (ou de haine) apparaît dans notre conscience, c’est parce qu'un filtre a refoulé le sentiment opposé, qui pourtant continue d’exister dans l’inconscient.

--> Tous ceux que j’aime, sont ceux dont j’ai refoulé la haine. Ce qui explique qu’il n’y a pas de place pour la haine de votre maman, même si elle est une méchante marâtre, parce que d’emblée vous vous êtes refusé le droit de la haïr.

Voilà : ça ne vous plaît pas non plus ? Savez-vous qu’il y en a qui payent un psy pour apprendre ça ?

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