mercredi 6 février 2008

Pourquoi rit-on ?

Pourquoi rit-on ?

La boite à questions

Après avoir renvoyé à mes Post de La citation du jour (1), je me bornerai à évoquer Bergson dont le petit livre a constitué longtemps son seul ouvrage connu du grand public (2).

Bergson, après avoir pris les précautions d’usage - disant que le sujet, s’il n’a pas été épuisé par les plus grands philosophes qui depuis Aristote se sont acharné à le traité, c’est qu’il était inépuisable - en conclut qu’il ne faut pas traiter la question du « pourquoi » mais celle du « de quoi » : qu’est-ce qui est risible.

Mais rassurez vous : tout est dans tout. Le « de quoi » éclaire le « pourquoi ».

- Exemple donné par Bergson : voici un homme qui glisse sur le trottoir ; pantin désarticulé, il esquisse un improbable pas de danse avant de s’affaler de tout son long : on éclate de rire. Peut-être s’est-il fait mal ? Peut-être regretterons-nous dans un instant d’avoir rit. Mais qu’importe : le rire est cruel ; il suppose l’anesthésie du cœur ; même idiot, il s’adresse à l’intelligence pure (p.11).

--> Il y a donc des rires idiots, et c’est de ceux là qu’il convient de se poser la question : pourquoi rit-on ?

Réponse de Bergson : c’est que le rire est la revanche de l’intelligence sur la vie. Il est le moment où le corps est redevenu une mécanique soumise à la pesanteur, perdant la grâce du mouvement volontaire, celui qui lance l’action dans la vie. Le rire est donc une sorte d’instinct qui nous échappe, dont le sens reste ancré dans le tréfonds de notre nature, dont il révèle la dualité (3). La philosophie bergsonienne se repaît de cette distinction. Le rire n’est autre qu’une confirmation de ce qu’il découvre dans l’évolution de la vie, dans l’existence de la conscience, dans le rapport entre les sociétés, dans la morale, dans la religion …

Le problème, c’est que l’exemple utilisé par Bergson fragilise son exposé : ce qui est vrai de comique de situation l’est il du comique d’expression (comique de mot) ? Et du comique de caractère ? Je laisserai le lecteur se reporter à l’ouvrage de Bergson (Chapitres 2 et 3).

Je dirai simplement que le comique de répétition - largement utilisé par ceux dont le métier est de faire rire un public chaque jour - est en rapport avec cet aspect mécanique. Mais peut-être sommes nous dans une autre mécanique : celle du corps, où le spasme l’emporte sur l’esprit. C’est le fou rire, le rire dénué de sens, rire dont on ne peut dire pourquoi on rit.

J’entendais un comique - très déçu - dire : « Je suis arrivé sur scène ; j’ai dit au public qu’il m’avait manqué parce que j’avais été longtemps sans faire de spectacle. Le public à rit. »

(1) Voir ici

(2) Bergson - Le rire Essai sur la signification du comique (à télécharger ici)

(3) L'intelligence qui entraîne la répétition et la vie qui est évolution, innovation

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Derrière le rire ne dissimule-t-on pas aussi nos peurs les plus enfouies ?

Jean-Pierre Hamel a dit…

Le rire gêné...
Il faut dire du rire ce que l'on dit de toutes nos attitudes: il y a celles qui sont spontanées, et puis celles qui sont produites en réaction à des situations particulières. On ne peut sans doute faire le tour de ces significations dérivées. Tout au plus je dirai que le rire évoqué ici renvoie à la superficialité des choses; si on peut "déminer" une situation par le rire, c'est que le rire signifie: "c'est pas grave...", "y a pas mort d'homme..."
Mais on n'est plus dans l'authenticité du rire.

Anonyme a dit…

Le rire c'est un exutoire pour prendre la fuite

Anonyme a dit…

On dit "les plus grands philosophes se sont acharnéS à le traitER", n'est-ce pas?