jeudi 28 février 2008

Peut-on être maître de nos goûts - c'est-à-dire les choisir ?

Voilà une question difficile. Parce que la maîtrise de nos goûts (sur la définition des quels il faudra s’entendre), suppose en effet que nous les ayons choisis d’une façon ou d’une autre, ce qui suppose aussi que nous puissions nous imaginer originellement neutre, sans aucune préférence pour préconditionner notre choix, afin de nous doter en toute liberté de toutes ces orientations au cours de notre vie.

Or, aussi loin que nous remontions dans notre passé, nous nous trouvons toujours déjà dotés de certaines préférences, et comme par hasard ce sont celles-là qui nous paraissent les plus essentielles, et qui orientent le choix de toutes les autres. Même si nous affectons de nous identifier à elles au point de nous en dire maîtres parce que lorsque nous sommes nous-mêmes, nous sommes aussi maître de tout ce qui constitue notre être, le problème de leur origine reste entièrement posé.

Je dirai que la réponse passe par l’élucidation de notre histoire personnelle.

- Les doctrines de la réincarnations, des religions orientales à Platon font de nos goûts quelque chose dont nous n’avons plus la maîtrise, entendez qu’on ne peut en changer, mais dont pourtant nous sommes responsables, puisque c’est la conséquence de ce que nous avons été (karma) ou d’un choix antérieur à notre vie actuelle (Platon).

- Chez Kant le caractère intelligible, comme chez Sartre, le choix fondamental, rend compte à la fois de cette incapacité à justifier nos inclinations et du fait que pourtant elles impliquent absolument ce que nous sommes. Nous sommes au niveau du postulat philosophique, comme à chaque fois qu’on arrive à un principe premier. Ce que nous faisons par libre choix nous exprime totalement et pourtant rien ne nous permet de reconstituer le moment où avons commencé d’être ce que nous sommes.

- Selon Freud, nos inclinations, nos goûts relèvent de notre histoire personnelle, telle que l’analyse pourra éventuellement la restituer. Selon la civilisation, selon l’époque, selon les personnes qui nous entourent à notre naissance, des potentialités différentes de l’être humain parviennent à s’exprimer alors que d’autres sont impitoyablement refoulées. Tous nos choix conscients sont conditionnés par nos premières expériences : le bien et le mal, le permis et le défendu, la jouissance et la souffrance, tous ces éléments qui orientent nos choix sont liés à un vécu infantile inaccessible à notre conscience. Notre croyance en notre liberté n’est en fait que le résultat de cette ignorance.

On ne choisit pas ses goûts, ils ne sont pas non plus génétiques - ils sont historiques.

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