mardi 2 décembre 2008

La liberté consiste-t-elle à choisir ?

Est-on réellement libre de faire des choix ? Je vous écris docteur philo car cette question m'interpelle depuis quelque temps déjà : il est certain que la "liberté du choix" repose la plupart du temps sur des conventions sociales qui ne sont des obstacles que si on les considèrent comme tels, mais, pour tout les autres (je pense par exemple au cas où une mère doit choisir entre ses enfants) qu'en est-il ?

La boite à questions

Si vous avez un cours de philo sous la main allez voir le chapitre Déterminisme et liberté. Sinon, il y en a une flopée sur le net (par exemple ici pour les textes, et là pour le cours).

Bon.

Maintenant on peut aussi légitimement se demander d’où vient votre question du choix.

En général on s’interroge sur la liberté de choisir, parce qu’on estime que sans liberté de choisir pas de liberté du tout. C’est ce qu’on appelle habituellement le libre arbitre.

Seulement on est vite pris en tenaille entre deux excès : ou bien le choix est entièrement libre et alors il est arbitraire, ma liberté a autant de sens que si je tirais à pile ou face. Ou bien le choix est toujours conditionné et alors il n’est qu’une illusion dont sont victimes les ignorants ou les naïfs.

1 - Si nous sommes persuadés que la liberté de choisir est la condition fondamentale de la liberté, alors nous devons considérer aussi que notre action n’est pas fondée sur ce que nous sommes. Sans quoi, nous n’aurions évidemment pas le choix, puisqu’on ne ferait que réaliser ce que notre nature nous porte à faire.

--> Contre quoi, il y a une très longue tradition qui, en philosophie, identifie la liberté au pouvoir de réaliser ce que l’on est – et non pas au pourvoir de choisir. Chez les auteurs modernes, on peut se reporter à Bergson (Essais sur les données immédiates de la conscience, ch 3) : la liberté n’est autre que le déploiement de l’être, ce par quoi il devient ce qu’il était implicitement. Mais on devrait se référer à Spinoza pour avoir une critique en règle du libre arbitre et l’identification de la liberté à cet effort pour devenir ou pour rester soi-même (le conatus).

2 - Un livre récent fait allusion au dilemme de la liberté : il s’agit du livre de Giogio Agamben, le règne et la gloire (Homo sacer, II, 2) ; en particulier le chapitre 3 « Etre et agir ».

On serait selon lui en présence de la difficulté posée par l’affirmation que Dieu a crée le monde, et que par Jésus Christ il continue d’y agir.

En effet, chez Aristote, il n’y a pas de création. L’action de Dieu n’est autre que l’attirance suscitée par le premier moteur immobile (= Dieu) sur le cosmos (= monde). Mais s’agit-il d’une action ? Autrement dit, pour Aristote, l’action et l’essence de Dieu sont identiques. Etre et agir vont de paire ; le choix libre n’a rigoureusement aucun sens.

--> Par contre avec un Dieu éternel qui agit dans le temps par la création et dans l’histoire par Jésus Christ, on a une difficulté : Jésus est venu au monde par la volonté du Père, mais celle-ci ne peut-être une conséquence d’une décision située dans le temps – puisque Dieu est éternel et que, ce qu’il veut, il le veut de toute éternité.

Ainsi, l’action de Dieu ne peut être fondée sur son être, donc elle relève d’un mystère total.

Alors, voyez la conception de la liberté Kantienne. Pour Kant, la liberté suppose une forme de libre arbitre dans la mesure où elle implique que ce choix soit inconditionné (sans cause préalable). Seulement comme tout dans notre existence a une cause antécédente (si je décide de me marier, il y a eu avant ce choix un contexte social, un désir, etc..), je ne peux jamais être sûr de choisir tout à fait librement (puisque liberté=être cause première). Il ne me reste plus dit Kant qu’à poser que le libre arbitre doit exister, que c’est même là un postulat de la raison pratique.

Bref on a bien là un acte de foi.

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