Docteur philo répond :
Cette question me parait bien naïve : autant demander s’il vaut mieux être jeune que vieux ?
Pourtant elle est moins candide qu’on pourrait le croire, et il y a bien des civilisations où le respect des vieux (bientôt ancêtres à qui on va célébrer un culte) rend cet âge plus désirable que la jeunesse – méprisée, exploitée par tous ceux qui sont déjà installés dans la vie.
Mais Docteur-Philo n’est pas « Philo » pour rien : c’est dans une philosophie du temps qu’il va chercher la réponse.
Saint Augustin le disait : «Il est … évident et clair que ni l'avenir ni le passé ne sont et il est impropre de dire : il y a trois temps, le passé, le présent, l'avenir, mais qu'il serait exact de dire : il y a trois temps, un présent au sujet du passé, un présent au sujet du présent, un présent au sujet de l'avenir. » (1)
Il est donc absurde de demander si l’avenir a plus d’importance que le passé, vu que ni l’un ni l’autre n’existent ailleurs que dans la mémoire et dans l’attente – c'est-à-dire dans le présent. Demandons, si l’on y tient, s’il vaut mieux se représenter l’avenir ou se remémorer le passé.
- On pourrait donc se dire qu’à la rigueur c’est à une institution de la conscience qu’il faudrait se référer pour évaluer le parti que nous pouvons tirer du temps. Il y a des moments où il est plus facile de penser l’avenir, et on suppose que la jeunesse y est propice. Mais au fond pourquoi ne pas continuer à faire des projets, à penser l’avenir même arrivé au terme de notre vie ? L’immortalité de l’âme est-elle autre chose, vue de ce côté-ci de la vie, que le projet de continuer à vivre, de retrouver nos chers disparus, etc… Et les braves gens qui répètent qu’on devrait planter un arbre, même à 80 ans, disent-il autre chose ? La jeunesse est un état d’esprit disent-ils et ils n’ont pas tort, si l’on entend par là que c’est à la représentation du futur qu’on doit la mesurer (et non à la souplesse des articulations).
--> Voilà la potion miracle de Docteur-Philo : il t’appartient de choisir la réponse à ta question, mais ce qui compte c’est de savoir en tirer parti. Le passé n’a objectivement pas plus d’importance que l’avenir, car tous deux n’existent que dans ton présent. Sache vivre ce qui te paraît le plus important, que ce soit la représentation du bonheur que tu vas avoir demain – ou dans dix ans. Ou que ce soit de fantasmer sur ton passé, celui qui vient juste de s’écouler ou celui qui remonte à ta lointaine enfance.
- J’entends d’ici les mauvais esprits qui vont ricaner : alors, diront-ils, suppose que tu sois un condamné à mort qui monte à l’échafaud ; apparaît un magicien qui te dit : « Je te propose de te changer en enfant qui vient de naître » ; tu lui répond : « Rien à faire, car l’absence de passé est aussi désespérante que l’absence d’avenir » ? Hein, c’est ça que tu réponds ?
Là, Docteur-Philo sèche lamentablement : « j’avoue dit-il, que je ne sais pas exactement, parce que, comme le dit le vénérable Augustin, le temps est écoulement, c’est à dire conscience du rapport entre le passé et l’avenir (dissension de l’âme), et que l’exemple de notre objecteur considère le temps comme immobilisé sur l’instant – instant d’avant son arrêt définitif ; instant d’avant sa mise en mouvement. »
(1) Saint Augustin – Confessions, livre XI. Paragraphe XX – Lire ici
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