dimanche 28 novembre 2010

Nature de l'être humain

Nouvelle question: Sommes-nous des êtres humains vivant une expérience spirituelle ou des êtres spirituels vivant une expérience humaine? A moins que ce ne soit les deux à la fois?

D'après une citation de Teilhard de Chardin
La Boite à questions

Belle question. Reste à dire quel est le problème – et donc quel enjeu se cache derrière.

A - Si nous sommes des êtres spirituels et accessoirement humains (puisqu’on resterait je suppose spirituel même si on ne vivait pas cette « expérience humaine »), alors l’enjeu est de savoir si c’est une chance ou un malheur que de vivre cette humanité.

Deux exemples :

- Le mythe du Phèdre (Platon) : les âmes étaient douées d’ailes et non de corps ; elles volaient dans le ciel jusqu’à ce qu’elles commettent des fautes qui les ont précipitées sur terre. Là elles sont « tombées » dans des corps, et elles restent ainsi, piégées et privées d’ailes, dans ce que nous appellerions quant à nous « expérience humaine ». C’est un malheur.

- Jésus Christ, Dieu qui s’est fait homme pour racheter les péchés de l’humanité. Ici, une pure spiritualité a choisi le destin humain. Comme Jésus nous sommes sur terre – avec notre destin d’homme – pour faire notre salut.

--> L’enjeu, c’est le prix à payer si nous acceptons de dire que nous sommes des êtres spirituels auxquels il échoit de vivre une expérience humaine. Et ce prix, comme le montrent nos deux exemples, c’est le dualisme : nous sommes d’abord une âme – et ensuite nous sommes une âme incarnée (selon la Genèse, lors de la création, Dieu a modelé une statuette d’argile (corps) et il lui a insufflé la vie (âme d’essence divine).

B – Si nous sommes des êtres humains et accessoirement spirituels, alors nous sommes des animaux parmi d’autres, nous pouvons fort bien nous passer de cette âme et de cet « esprit » sans cesser d’être des hommes. C’est cette idée qui fait bondir les créationnistes lorsqu’ils ont compris que tel était le message de Darwin.

Toutes fois : on nous dit : « expérience spirituelle », ce qui est compatible avec quelque chose comme un devenir. Ainsi, parle-t-on d’une évolution de l’humanité qui en dehors du processus d’hominisation aurait conduit l’humanité sur les chemins de la civilisation. Telle est la conception hégélienne de l’histoire – mais telle est aussi l’origine du pessimisme de Rousseau : l’homme est un être spirituel ? Oui, mais « l’homme qui médite est un animal dépravé »…

On le voit : le prix à payer ici est celui de la responsabilité du mal. Et pas par je ne sais quel mythe plus ou moins crédible (dont fait partie selon moi le péché originel) : par la décision au quotidien d’être non pas plus qu’un homme, mais moins qu’un homme (Merleau-Ponty).

3 commentaires:

Patrick KIRI a dit…

Merci pour votre éclairage!

Si nous étions des êtres spirituels accessoirement humains, peut-être aurions-nous pu entrevoir clairement le monde spirituel? D'où les religions. Après on peut se demander si l'ensemble d'entre elles apporte une vision claire de ce supposé monde.

Peut-être aurions-nous pu en avoir des souvenirs? Comme dans le coma?


Quoi qu'il en soit, dans le doute, il vaudrait mieux considérer les deux hypothèses: sans doute somme-nous à la fois des êtres spirituels vivant une expérience humaine et vice-versa.

Dire que je n'ai même pas fait de recherches sur Teilhard de Chardin...

A suivre...

Jean-Pierre Hamel a dit…

« Si nous étions des êtres spirituels accessoirement humains, peut-être aurions-nous pu entrevoir clairement le monde spirituel? D'où les religions. Après on peut se demander si l'ensemble d'entre elles apporte une vision claire de ce supposé monde.
Peut-être aurions-nous pu en avoir des souvenirs? Comme dans le coma? »

- Il y a une bonne part du platonisme qui prend en charge cet aspect : non seulement l’être humain – être générique – conserve la nostalgie de ses origines célestes (c’est le Phèdre), mais encore, tout individu porte en lui une masse de souvenirs qui lui sont inaccessibles en temps normal, souvenirs qui lui viennent de ses précédentes existences, et auxquelles il peut avoir accès par le processus de la réminiscence. Ça, c’est le Menon, qui fonde là-dessus la possibilité de la science : toute découverte est en réalité une re-découverte.

« Quoi qu'il en soit, dans le doute, il vaudrait mieux considérer les deux hypothèses: sans doute somme-nous à la fois des êtres spirituels vivant une expérience humaine et vice-versa. »

- Oui, bien sûr. Reste que le problème est alors de savoir :
1 – ce que c’est que cette expérience humaine. Auschwitz en fait-il partie ?
2 – (c’est une conséquence de ce qui précède) : si l’homme peut devenir un saint (homme--> nature spirituelle), n’est-il pas tout aussi normal qu’il devienne un démon (chute de la spiritualité dans l’« humanité ») ?

« Dire que je n'ai même pas fait de recherches sur Teilhard de Chardin... »
- Vous faites partie des rares à savoir encore aujourd’hui qu’il a existé.

« A suivre »
- Au besoin sur ma messagerie :
jeanpierre.hamel@gmail.com

Patrick KIRI a dit…

En fait je suis tombé sur Teilhard de Chardin par hasard. Je ne savais pas qu'il existait... Je ne suis pas parvenu à trouver l'œuvre dont est extraite cette citation.

En fait tout semble lié: la spiritualité et l'animalité comportent à la fois des aspects positifs et négatifs: les méfaits des religions, la prise de conscience de sa propre nature (être ou animal vivant sur Terre, prise de conscience écologique).