vendredi 25 avril 2008

Peut-on se passer de Dieu ?

Peut-on se passer de Dieu ?

Vous savez que nous avons un Président qui affirme qu’on ne peut pas se passer de religion, et que c’est même pour cela que les curés doivent s’ajouter aux instituteurs ; façon de dire que ceux qui ne croient pas en Dieu sont des pourceaux.

Même si vous n’avez pas remarqué son Discours au Latran, vous vous posez je le vois bien des questions existentielles – celles par exemple que relève Luc Ferry dans son débat avec Marcel Gauchet (1) : « A quoi sert de vieillir ? Comment éduquer ses enfants ? Comment « gérer » le deuil d’un être aimé ? Comment lutter contre l’ennui ou la banalité quotidienne ? » (p.31). Je ne dis pas que la religion soit convoquée par chaque réponse, mais elle peut l’être, parce qu’on recherche ici quelque chose qui relève des valeurs, autrement dit quelque chose qui donne un sens à notre vie.

--> Supposons donc que l’homme soit cet être qui regarde au loin, qui cherche une orientation qui confère un sens à sa vie. Si on se demande « Est-ce que ce sens peut venir d’autre part que de la religion », la réponse n’est apparemment pas plus convaincante, qu’elle soit « oui », ou qu’elle soit « non ».
Essayons donc d'y voir plus clair.

A quelle condition pourrait-on se passer de religion ?

On devine qu’on ne pourra se passer de religion, qu’à condition de pouvoir laïciser les valeurs morales.

1 - La laïcisation n’est pas ici synonyme de tolérance ; ce n’est pas non plus une religion de plus (celle de la morale républicaine). Comment la définir ?

Se demander si on peut laïciser les valeurs qui apparaissent aussi dans la religion, c’est se demander si la transcendance qui les fonde comme valeur peut être horizontale (2), autrement dit si il y a un au-delà à notre monde qui néanmoins en fasse déjà partie. Si on refuse cette hypothèse, alors on dira qu'il y a du religieux dans toute morale laïque, autrement dit que l'Absolu qui fonde les valeurs tend toujours vers le sacré. C'est ce qui doit être examiné.

2 - Laïciser les valeurs consiste donc à réintégrer dans le domaine du vécu l’Absolu en tant qu’horizon de notre monde – au lieu qu'il institue une rupture impliquant un Autre Monde. Un exemple ? Voyez le Cosmos Stoïcien : c’est la vaste machine – ou le gros animal – en quoi consiste l’univers physique. Nous sommes un petit rouage dans cet ensemble, et tout ce qui nous arrive doit prendre sens par rapport à cette origine.

On aurait d’autres exemples avec l’histoire de l’humanité entendue comme avènement de la Raison (Kant) ou de l’Esprit (Hegel).

3 - Est-ce une façon de se passer de religion ? Oui si cet Absolu n’est pas religieux, autrement dit s’il est désacralisé, autrement dit si l’expérience par la quelle il se révèle à nous n’implique pas un au-delà (M. Gauchet : « le sacré est l’attestation de l’au-delà dans des lieux, des choses ou des êtres de l’ici-bas » ibid. p.44)

4 - Concluons : Je ne veux pas dire qu’on est capable de démontrer de façon définitive que cette forme de transcendance soit ou non un nouvel avatar de la religion ; par contre on peut savoir ce qu’on pense réellement quand on dit « Moi, je crois que l’homme ne peut compter que sur lui-même », ou bien : « Je crois en un Dieu, Tout-Puissant et Bienveillant ».

(1) Luc Ferry - Marcel Gauchet – Le religieux après la religion – Biblio essais

(2) Ferry-Gauchet, op. cité

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