Bonjour, ma question est la suivante :
Quel est le sens de la vie ? Est-il personnel à chacun ou universel pour tous les hommes ?
La Boite à questions
Je prends acte que l’hypothèse de l’absurdité de la vie est mise à l’écart. On aurait pu en effet s’interroger sur l’existence du sens de la vie : la vie a-t-elle un sens ou bien est-elle absurde ?
--> Déjà il faudrait s’entendre sur ce qu’on appelle le sens de la vie. Ensuite il faudrait voir quel problème pose l’alternative personnel/universel dans le cadre de cette question.
Et enfin il faudrait être fermement décidé à ne pas se satisfaire des réponses bien-pensantes, parce que moi, je déteste ça.
1 – Le sens peut s’entendre de 3 façons différentes : l’organe de la sensation ; la signification ; l’orientation dans l’espace. On se contentera du sens 2, admettant que le 3ème est ici métaphorique, et le 1er dépourvu d’intérêt.
2 – Le sens peut être personnel lorsqu’il est déterminé par un choix individuel ; il est universel lorsqu’il s’impose soit objectivement, soit culturellement, soit religieusement. L’opposition entre les deux porte sur l’existence du choix, puisque qu’il est hors de question que le sens de la vie soit choisi s’il existe de façon universelle. Si Dieu existe et s’Il me commande d’aller trucider les infidèles, je n’ai pas le droit de m’interroger : le sens de ma vie est d’être un guerrier intraitable, ou alors ma vie ne vaut rien. Si vous insistez pour dire : mais si, vous avez encore le choix, alors vous supposez que le sens dépend de celui-ci et donc qu’on est libre de le déterminer en tant qu’individu.
Donc, pas de compromission : si Dieu le veut – ou : mon peuple, ou ma classe sociale, ou ma famille… - je n’ai pas à discuter.
Si par contre je considère que c’est à moi de dire ce que sera le sens de ma vie, et que la détermination précédente n’est en réalité qu’un choix parmi d’autre (= je choisi de ne pas avoir le choix), alors le sens de la vie est subjectif.
3 – Les réponses exclues par moi-même comme "bien pensantes" (entendez : convenues et conventionnelles) seraient soit favorables à une thèse religieuse, soit strictement anarchisantes (1). Va-t-il nous rester quelque chose à dire encore après ça ?
Sartre – oui, encore lui – nous dit : choisissez en toute liberté et en toute responsabilité vos valeurs, donc le sens de votre vie, mais faites comme si votre choix devait être repris par l’humanité entière: demandez-vous "qu'est-ce qui se passerait si tout le monde faisait comme moi?". Supposons dit-il (2), que je choisisse de me marier (ça risquait pas de lui arriver), c’est donc que la monogamie serait le sens de ma vie (il aurait fallu demander à Simone ce qu’elle en pensait). Je devrais considérer alors que la monogamie devrait être choisie par l’humanité entière parce qu’elle incarne le Bien, le Vrai le Beau. Et après ça, que personne ne fasse comme moi a peu d’importance. Ce qui compte c’est que mon choix ait été pour moi l’occasion de rencontrer l’universel.
--> Concluons. On voit que la thèse de Sartre– reprise je suppose du jugement esthétique kantien – a cette originalité de refuser la distinction posée au départ : ou bien sens personnel / ou bien sens universel. On ouvre la possibilité d’un sens qui serait posé par notre choix comme universel, mais comme on n’est pas Dieu, ça voudrait dire qu’au fond de notre choix pour un sens de vie, il y aurait l’expérience de l’universel.
Mais que cet universel n’apparaît que dans cette implication.
(1) Bien entendu vous avez le droit de vous déterminer par rapport à cette alternative : ça vous épargnerait même de lire ce qui suit.
(2) C’est dans L’existentialisme est un humanisme.