lundi 22 septembre 2008

Qu'est-ce que la vertu ? (2)

Menon a dit...
Bien que cela fasse quelques années que j'ai eu la chance de dialoguer avec Socrate, il me semble que la question que je lui aie possé à l'époque était:
Peux-tu me dire, Socrate, si en fin de compte l'aretè est enseignable, ou pas enseignable mais cultivable par l'exercice, ou ni cultivable par l'exercice, ni apprenable, mais échoit aux hommes par nature ou de quelque autre manière ?
Durant la démonstration, Socrate a essayé de définir la vertu (aretè), mais ni est pas arrivé il me semble. Il a usé d'autres moyens pour répondre à ma question.
C'est pourquoi je vous pose à vous la question, qu'est-ce que la vertu ?
Commentaire du post précédent

Dans le Ménon, la question « qu’est-ce que la vertu » succède à cette autre : « la vertu s’enseigne-t-elle » ?

1 – Comment ces deux questions s’articulent-elles l’une à l’autre ?
La question « qu’est-ce que la vertu » signifie au moins 3 choses différentes :
- Quel est le sens du mot vertu ?
- Quelle est l’essence de la vertu ?
- Quelle est la cause de la vertu ?
Dans le premier cas, on recherche ce qui fait l’unité du concept.
Dans le second on recherche quelle est la caractéristique qui annule la vertu quand elle vient à disparaître.
Dans le troisième, on recherche à produire la vertu, en se demandant comme ici, si on peut la transmettre par l’enseignement (produire à volonté des Thucydides et des Périclès).
--> C’est donc ainsi que la question de la cause de la vertu débouche sur celle de son enseignement.
Mais la cause de la vertu ne peut être établie que si on sait à quoi correspond la vertu, autrement dit comment elle se définit.

2 – Le mot vertu se prend en plusieurs sens différents
- La vertu est un pouvoir, une excellence : c’est le sens premier de l’aretè des grecs, et celui de la virtu des latins.
- La vertu est aussi ce qui associe ce pouvoir au désir de réaliser de « belles choses » (Ménon)
- La vertu est finalement au sens restreint la tendance permanente à vouloir accomplir des actes moraux
--> Même si nous écartons le sens 1 – à savoir, la virtu machiavélienne c’est-à-dire le courage – il nous reste à déterminer
a – ce qu’est la valeur que vise la vertu morale,
b – ce qui pousse à réagir favorablement à elle.

a – Peut-on définir le bien, le juste ?
Il s’agit du même genre de question, avec la même polysémie, que la question sur le sens de la vertu (cf. 2)
Là, je rends mon tablier (ou plutôt mon bonnet carré) : car il s’agit ni plus ni moins de la question du fondement des valeurs autrement dit de la question axiologique fondamentale. Bigre…
Tiens, je trouve ce passage dans le discours de Benoît XVI à Paris : la religion est le consensus éthique fondamental. Vous pouvez toujours essayer (je le dis sans aucune ironie).

b – Qu’est-ce qui dans le bien ou le juste, nous pousse à agir favorablement ?
Cette question, notez-le est la même que celle qui est débattue dans le Ménon : car si on maîtrise ce ressort, alors on peut enseigner la vertu.
Je remarque que cette question est aujourd’hui même au centre d’un certain nombre de recherches portant sur la « raison pratique » en entendant par là le rapport entre le raisonnement « logique » et l’action. Bien sûr ces recherches sont issues de la philosophie anglo-saxonne. J’ai consacré une brève note au livre de Vincent Descombes qui s’attache à cette question (1).
Je ne saurais le résumer, je signalerai simplement la problématique qui est la suivante : y a-t-il un raisonnement qui contraigne à l’action de la même façon qu’il contraint à reconnaître sa validité ?
C’est le problème de tous les fondamentalismes, ou du terrorisme intellectuel…



(1) Vincent Descombes – Le raisonnement de l’ours (2007)

jeudi 11 septembre 2008

Peut-on remonter le temps ?


Après H.G. Wells et la machine à explorer le temps, après l’élixir de jeunesse, voilà la question qui revient, sans doute parce qu’on nous rebat les oreilles avec l’accélérateur de particules L.H.C., qui, dit-on, doit nous ramener à quelques fractions secondes du Big-Bang, il y a de cela 14 milliards d’années.
Pour savoir ce que ça veut dire, il faudrait déjà comprendre de quel temps il s’agit.
1 – Le temps du souvenir. Ainsi le petit Marcel (1) qui vit un épisode de son enfance en buvant du tilleul avec des miettes de madeleine dedans. Admettons qu’il n’y ait aucune différence entre l’épisode vécu et le souvenir qui en revient, il n’en reste pas moins que le souvenir est non pas la vie, mais la reviviscence. C’est Combray-II, le Retour. Avec le souvenir vécu, vient la conscience que ce n’est qu’un souvenir – sinon on hallucine.
2 – Le temps du physicien. Dans les équations de la mécanique le paramètre temps est élevé au carré (t2) ce qui signifie que le temps est réversible. L’instant (-2) peut devenir l’instant (+2). Hier peut devenir aujourd’hui, ou demain, sans problème.
Explication ? Supposez que vous fassiez rebondir une balle élastique sur le sol : elle part de votre main et elle y revient : le bond et le rebond. Vous allez dire que le « rebond » est l’effet du « bond », et donc il y a une flèche du temps : la cause précède toujours l’effet, c’est même à ça qu’on la reconnaît.
Mais supposez maintenant que vienne un physicien, avec ses instruments de mesure, qui vous dise : le mouvement de votre balle est strictement identique à l’aller comme au retour. Vous avez créé un mouvement perpétuel, votre balle va rebondir sur le sol ad vitam eternam. Dès lors, l’effet et la cause se confondent : pourquoi ne dirait-on pas que c’est le « rebond » qui est la cause du « bond » ? En tout cas ça ne change rien aux calculs de la physique.
3 – Le temps de l’univers est pour autant qu’on le sache un temps de l’entropie. Hier et demain se distinguent de façon définitive par le fait que l’énergie s’y disperse (Big Bang). Il y a donc une flèche du temps, son écoulement est irréversible, et les calculs de la mécanique ne s’appliquent pas à cette grosse machine là.
Sauf si celui-ci après s’être dilaté comme une baudruche se dégonfle et se contracte (Big Crunch). Le temps s’inverse, et alors on peut le remonter.
Supposez que le petit Marcel laisse tomber sa tasse de tilleul. Elle se brise à ses pieds. Dites lui alors qu’il n’a pas besoin de ramasser les morceaux. Il suffit d’attendre assez longtemps, et ceux-ci reviendront tout seuls dans sa main.


(1) Proust (évidemment) – Du coté de chez Swann. (Et aussi le temps retrouvé)

mercredi 10 septembre 2008

Qu’est-ce que la vertu ?

Message de Ménon - La boite à questions.

Docteur-Philo a failli perdre ses bésicles en lisant la signature en bas de cette question.

Quoi, Ménon, le valeureux interlocuteur de Socrate, lui à qui Socrate justement demandait de définir ce que c’est qu’être vertueux (
Mais toi-même, Ménon par la volonté des dieux, que dis-tu qu'est aretèn ?), le voici qui me demande de répondre à cette question, comme si le célèbre dialogue avec Socrate n’avait pas eu lieu ?
Par le chien ! Ménon, as-tu eu un coup de soleil trop fort sur la tête, ou bien ton cerveau se ramollit-il avec l’âge ?
- Tripote un peu ton ordinateur, Ménon, clique là-dessus : ça va te rafraîchir la mémoire.